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Libération
Ultimatum

Au Pakistan, 1,7 million d’Afghans menacés d’expulsion dans deux jours

Le pouvoir pakistanais force les réfugiés à quitter le pays avant le 1er novembre au prétexte du nombre croissant d’attentats qui frappent le Pakistan depuis la prise de pouvoir des talibans.
Des réfugiés afghans attendent près du centre de rapatriement volontaire d'Azakhel de l'ONU à Nowshera, le 30 octobre 2023. (Adul Majeed /AFP)
publié le 30 octobre 2023 à 15h50

Il ne leur reste plus que deux jours avant la date butoir. Début octobre, le gouvernement pakistanais a donné aux Afghans en situation irrégulière jusqu’au mercredi 1er novembre pour quitter le territoire d’eux-mêmes, sans quoi ils seront expulsés vers leur pays d’origine. Une décision qui concernerait 1,7 million de personnes, à en croire les chiffres des autorités pakistanaises. «S’ils ne partent pas […] alors toutes les agences de maintien de l’ordre au niveau des provinces et du gouvernement fédéral seront utilisées pour les déporter», a de son côté menacé le ministre pakistanais de l’Intérieur, Sarfraz Bugti.

Entre l’annonce du gouvernement pakistanais et le 15 octobre, quelque 60 000 Afghans sont déjà partis d’eux-mêmes, estiment les Nations unies. Des files d’attente se sont également créées à l’important poste-frontière de Torkham, a précisé Feroz Jamal, le porte-parole du gouvernement de la province de Khyber Pakhtunkhwa, dans le nord-ouest du pays. Mais selon des avocats présents sur place, les forces de l’ordre n’ont même pas attendu la fin du délai pour procéder à des arrestations au sein des communautés afghanes.

Pour justifier leur décision, les autorités ont évoqué le nombre croissant d’attentats qui frappent le Pakistan depuis la prise de pouvoir des talibans. Des attaques qu’ils imputent à des groupes basés en Afghanistan, ce que Kaboul continue de nier. «Les réfugiés afghans n’ont rien à voir avec les problèmes sécuritaires du Pakistan», a asséné le porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid. Mais du côté d’Islamabad, où on affirme que ces expulsions protègent «le bien-être et la sécurité» du pays, pas question de revenir en arrière.

Centres de rétention

Preuve qu’il ne s’agit pas de paroles en l’air, le gouvernement pakistanais a annoncé jeudi 26 octobre l’ouverture de plusieurs «centres de rétention» destinés à héberger les «migrants illégaux». «Des installations et de la nourriture leur seront fournies. Les enfants, femmes et personnes âgées seront traités avec un respect particulier. Mais après le 1er novembre, nous ne ferons aucune concession concernant les immigrants en situation irrégulière», a assuré le ministre pakistanais de l’Intérieur, Sarfraz Bugti.

Au total, trois centres de rétention auraient été créés dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, à la frontière avec l’Afghanistan. Mais «c’est un point de transit. Ils ne pourront pas rester là longtemps», a déclaré le porte-parole Feroz Jamal. «Quand les responsables à la frontière auront de la place, nous les enverrons pour qu’ils soient expulsés.»

Une situation alarmante, qui indigne les défenseurs des droits humains. «Nous demandons instamment aux autorités pakistanaises de suspendre les renvois forcés de ressortissants afghans avant qu’il ne soit trop tard», et ainsi «éviter une catastrophe en matière de droits de l’homme», a alerté vendredi 27 octobre la porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Ravina Shamdasani. Avant de souligner le risque qu’encourent de nombreuses personnes en Afghanistan, en particulier «les militants de la société civile, les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme […] et bien sûr les femmes et les filles».

Au cours de plusieurs décennies de guerre, des millions d’Afghans ont traversé la frontière avec le Pakistan, avec pour seul document de voyage leur carte d’identité. Désormais, seuls ceux en possession de passeports et de visas valides seront autorisés à venir dans le pays. Un projet jugé «inacceptable» par Kaboul, alors que 600 000 Afghans seraient arrivés dans le pays depuis la prise de pouvoir des talibans, en août 2021.