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Justice

Australie : bœuf Wellington farci aux champignons vénéneux, une recette discutable

Mercredi 30 avril s’est ouvert au tribunal de Victoria le procès d’Erin Patterson, accusée d’avoir empoisonné ses ex-beaux-parents et une tante avec un plat composé d’amanites phalloïdes, réputées pour leur toxicité.
Les avocats d'Erin Patterson, accusée d'assassinat et de tentative d'assassinat en Australie, mercredi 30 mars à Morwell (Victoria). (Martin Keep /AFP)
publié le 1er mai 2025 à 16h21

C’est une recette sophistiquée, remise à la mode par le chef anglais Gordon Ramsay. Elle porte le nom du duc de Wellington, vainqueur sur le champ de la bataille de Waterloo en 1815 du Français Napoléon Bonaparte. Les ingrédients sont simples, la mise en forme plus compliquée. Il faut un très bon filet de bœuf, une pâte feuilletée et, élément essentiel à la recette, une farce aux champignons. La plupart des recettes suggèrent des champignons de Paris, Gordon Ramsey une mixture de champignons des bois. Certains cuisiniers sont plus aventureux.

C’est le cas d’Erin Patterson, dont le procès qui s’est ouvert mercredi 30 avril devant un tribunal de Victoria passionne l’Australie. En juillet 2023, l‘Australienne de 50 ans a passé des heures à élaborer la recette, en agrémentant la farce d’amanites phalloïdes, l’un des champignons les plus toxiques au monde. Dans sa coquette maison de Leongatha dans le comté du South Gippsland Shire, dans l’extrême sud-est de l’Australie, elle a dressé une jolie table, avec quatre assiettes bleues pour ses invités et une orange pour elle.

Violentes nausées

Pour servir avec son bœuf Wellington, elle avait prévu une bonne purée et des haricots verts. Comme convenu, ses ex-beaux-parents, Don et Gail Patterson, 70 ans tous les deux, la sœur de Gail, Heather Wilkinson, 66 ans et son époux, pasteur, Ian Wilkinson, 68 ans, sont arrivés à 12 h 30 pour ce déjeuner. Simon, l’ex-mari d’Erin, a en revanche décliné l’invitation à la dernière minute, expliquant dans un message qu’il ne se sentait pas «très à l’aise» à l’idée de cette réunion. Ce qu’Erin a fortement regretté. Dans un message sur son téléphone, elle a expliqué à son ex «avoir dépensé une petite fortune pour ce filet de bœuf. J’espère que tu vas changer d’avis, c’est très décevant». L’excuse de cette invitation, «très rare» selon son ex-mari, qui a été le premier témoin entendu ce jeudi 1er mai au procès, était un diagnostic de cancer des ovaires et une discussion sur comment l’annoncer aux deux enfants que le couple a eus. Erin Patterson n’a jamais souffert d’un cancer, a révélé l’enquête.

Quelques heures après le repas, ses invités ont été saisis de violentes nausées. Quelques jours plus tard, hospitalisés en urgence, les parents et la tante de Simon étaient morts. Ian Wilkinson n’a survécu qu’après deux mois d’hôpital et une greffe du foie. L’enquête a révélé que tous ont été empoisonnés par les champignons du bœuf Wellington, qui se sont révélés être des amanites phalloïdes, terriblement toxiques.

Un accident bête

Ni Erin Patterson ni ses deux enfants, alors âgés de 9 et 14 ans, n’ont été affectés. L’Australienne a initialement affirmé leur avoir servi les restes du bœuf Wellington après en avoir ôté la farce de champignons que les enfants, selon elle, n’aimaient pas. Elle a aussi commencé par raconter qu’elle avait acheté une partie des champignons, déshydratés, dans un magasin asiatique, dont les enquêteurs n’ont jamais trouvé la trace. Ils ont fini par découvrir qu’elle était allée ramasser des amanites phalloïdes dans un bois qui avait été signalé sur un site internet qu’elle avait consulté.

Erin a été inculpée d’assassinat et de tentative d’assassinat. Elle plaide non-coupable. Sa défense explique le drame par une erreur fatale, un accident bête, et ses mensonges par sa «panique» après avoir constaté les malaises des membres de son ex-famille.

Marié en 2007, le couple était définitivement séparé depuis 2015, après une relation assez volatile et plusieurs séparations et réconciliations. Initialement en bons termes, les liens entre les deux époux, qui sont techniquement encore mariés, s’étaient détériorés les derniers mois avant le drame. Si l’empoisonnement aux amanites phalloïdes ne fait aucun doute, a souligné le procureur en début de procès, l’enjeu des audiences, qui devraient durer six semaines, sera de déterminer l’intentionnalité ou pas de l’empoisonnement. Erin Patterson risque la perpétuité.