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Libération
Intimidation

Autour de Taïwan, le plus important déploiement militaire chinois depuis le début de l’année

Taipei dénonce la présence de trente-six avions militaires et six navires de guerre chinois sur son territoire ce vendredi 22 mars. La Chine, elle, fustige la visite d’une responsable taïwanaise en Europe.
Des barricades anti-débarquement sont photographiées sur la plage, avec la ville chinoise de Xiamen en arrière-plan, à Kinmen, Taïwan, le 21 février. (Ann Wang/REUTERS)
publié le 22 mars 2024 à 9h20

C’est la plus grande démonstration de force chinoise autour de l’île cette année. Trente-six avions militaires et six navires de guerre chinois ont été détectés près de Taïwan, a annoncé le ministère de la Défense de Taipei ce vendredi 22 mars, en réaction, selon des analystes, à des visites d’une responsable taïwanaise en Europe.

«Treize des appareils ont franchi la ligne médiane du détroit de Taïwan», a déclaré le ministère, une démarcation non officielle entre la Chine et Taïwan que la première ne reconnaît pas. La veille au soir, le ministère avait annoncé que 20 avions de chasse, des drones et des avions de transport avaient été détectés. Plus tôt, ce sont 32 avions militaires qui avaient été observés en 24 heures.

Tournée européenne

Hsiao Bi-khim, du Parti démocrate progressiste (DPP) au pouvoir, ancienne ambassadrice de facto de Taïwan aux Etats-Unis et toute nouvelle vice-présidente qui entrera en fonction le 20 mai, a effectué ces derniers jours des visites en Europe, notamment en République tchèque et au Parlement européen de Strasbourg. La Chine a critiqué ces voyages, accusant Hsiao Bi-khim d’essayer de servir «l’objectif de l’indépendance de Taïwan», une ligne rouge pour Pékin.

Selon l’analyste Wen-ti Sung, le regain d’activité militaire de Pékin pourrait être une «démonstration de force pour faire comprendre son mécontentement face à l’engagement international croissant de Taïwan». «Si cela peut décourager d’autres dirigeants internationaux de rencontrer Mme Hsiao à l’avenir, c’est autant de gagné pour Pékin», explique le spécialiste. «Notre combat pour la liberté et la démocratie est plus que jamais partagé, et le peuple taïwanais peut être assuré qu’il trouvera toujours des amis chers parmi les Européens», a réagi de son côté le député européen français Dominique Riquet, membre du groupe centriste Renew, sur le réseau social X jeudi.

Taïwan est une région autonome que la Chine revendique et dont elle veut s’emparer un jour, par la force si nécessaire. Le déploiement de vendredi, plus important encore que celui de la veille, s’inscrit dans la lignée de ce que les experts appellent les actions de «zone grise», des tactiques d’intimidation sans aller jusqu’à la guerre, qui se sont multipliées depuis l’élection en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen. Les tensions ont aussi augmenté depuis l’élection présidentielle de janvier 2024, remportée par l’actuel vice-président William Lai, peu apprécié par Pékin et qui prendra également ses fonctions le 20 mai aux côtés de Hsiao Bi-khim. Avant cette élection, Pékin avait prévenu qu’il apporterait «la guerre et le déclin» à l’île.

Su Tzu-yun, expert militaire à l’Institut taïwanais pour la défense nationale et la recherche en matière de sécurité évoque d’autres raisons de mécontentement pour Pékin, notamment la récente rencontre à Manille entre le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le président philippin Ferdinand Marcos. La Chine et les Philippines revendiquent toutes deux la souveraineté sur des zones concurrentes en mer de Chine méridionale.

Incidents en mer

En début de semaine, Antony Blinken a déclaré que les Etats-Unis s’en tenaient à leurs engagements «à toute épreuve» de défendre leur allié, déclenchant une vive réaction de Pékin. «Les comportements de la Chine ne sont pas seulement dirigés contre Taïwan, mais Taïwan sera celui qui subira le plus de pression», soutient Tzu-yun Su.

Des incidents en mer entre Pékin et Taïwan ont encore ajouté aux tensions. Le 14 février, un navire a été pris en chasse par les garde-côtes taïwanais pour avoir, selon eux, pénétré dans les eaux de Kinmen, un petit archipel administré par Taipei. Lors de la collision, deux personnes ont perdu la vie. Pékin a accusé les autorités taïwanaises de «chercher à échapper à leurs responsabilités», tandis que Taipei a souligné le comportement erratique du bateau.