C’est une énième condamnation dans l’histoire d’un procès inique. Aung San Suu Kyi, présidente birmane déchue a été condamnée ce vendredi à sept ans de prison supplémentaires. Elle a été reconnue coupable de corruption par un tribunal de la junte au pouvoir. Il s’agissait du dernier volet de son procès-fleuve de 18 mois. Elle était visée par cinq chefs d’accusation, dans une affaire de location d’hélicoptère pour un ministre et accusée d’avoir causé «une perte pour l’Etat».
«Toutes ses affaires sont terminées, il n’y a plus d’accusations contre elle» confirme une source anonyme. L’ancienne dirigeante birmane de 77 ans passera donc, au total, 33 ans en prison. Et pourrait donc terminer sa vie derrière les barreaux même si selon des experts, elle pourrait purger une partie de sa peine en résidence surveillée.
La lauréate du prix Nobel de la paix 1991, figure controversée mais toujours très populaire dans son pays, est incarcérée depuis le coup d’Etat militaire du 1er février 2021. Elle n’a été vue depuis que de très rares fois, sur des photos granuleuses prises par les médias d’Etat dans une salle d’audience vide. Sa procédure judiciaire, elle, a été entamée en juin 2021. Dans ce «simulacre judiciaire», selon les mots des groupes de défense des droits humains, l’opposante a été condamnée pour de multiples infractions : corruption, fraude électorale, violation de secrets d’Etat et des restrictions anti-Covid…
Perspectives électorales en 2023
Cette dernière condamnation survient le même mois que l’appel à la libération de l’opposante par le conseil de l’ONU, première résolution de l’ONU depuis des décennies sur la situation en Birmanie. Demande rendue possible grâce à l’abstention de la Chine et de la Russie, habituels soutiens de l’Etat autocratique, et aussitôt critiquée par la junte qui y voit une tentative de «déstabilisation» du pays.
La fin du long procès d’Aung San Suu Kyi ouvre une nouvelle période d’incertitudes en Birmanie. L’année 2023 devrait être marquée par des élections, en tout cas promises par la junte en quête de légitimité. Ce projet de nouvelles élections a été critiqué par les Etats-Unis, mais salué par la Russie, son proche allié et fournisseur d’armes.
Décryptage
C’est d’ailleurs dans un contexte électoral que l’armée a pris le pouvoir, et a trouvé une justification à son coup d’Etat de 2021 : les militaires avaient assuré avoir découvert des millions de votes irréguliers lors des élections législatives de 2020. Ce scrutin avait maintenu au pouvoir, comme en 2015, la Ligue nationale pour la démocratie, parti fondé par Aung San Suu Kyi à la fin des années 1980. Les élections de 2020 étaient pourtant considérées comme globalement libre par des observateurs internationaux.
Depuis le coup d’Etat, la Birmanie a sombré dans une période de chaos. Des violences entre armée et milices auto-constituées forment son nouveau quotidien, chaque camp accusant l’autre d’avoir tué des centaines de civils. Plusieurs groupes de défense des droits ont accusé l’armée birmane de lancer des frappes aériennes sur des civils. Autrement dit, des crimes de guerre. Les militaires ont comptabilisé 4000 civils tués ; une ONG locale, elle, déplore plus de 2600 victimes mortes sous la répression de la junte.