Les rêves de gosse s’arrachent difficilement, autant extraire une balle avec les doigts. Le capitaine Yar Zaw voulait le treillis, les bottes, la crosse depuis tout petit, comme son père et son grand-père avant lui. L’armée est une longue affaire de famille pour ce soldat birman âgé d’une trentaine d’années dont le nom a été modifié, par souci de sécurité, mais l’identité vérifiée par Libération. Son témoignage est extrêmement rare. Il raconte la lente désillusion et les états d’âme d’un officier face au massacre. Tout ce que la junte veut étouffer.
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Depuis le coup d’Etat du 1er février qui a lancé les militaires et la police dans une répression meurtrière contre leurs opposants, faisant plus de 520 morts dont des enfants, Yar Zaw prie pour qu’on ne lui demande pas de tirer. Quelques hommes de son bataillon ont été déployés dans la région de Rangoun, où il vit. «Les troupes n’ont rien à faire dans la rue, elles devraient retourner dans leurs casernes. Je suis choqué par la brutalité exercée contre les civils. Je me sens coupable parce que je suis un soldat moi aussi», explique le capitaine au téléphone, assis près de sa femme, Thiri.
Gestes dérisoires
Le couple lave sa honte en soutenant la contestation. En mars, Yar Zaw a versé la moitié de sa solde – 100 euros environ – au CRPH, le groupe de parlementaires rebelles qui incarnent la résistance politique au putsch. Avec sa femme, il envoie aussi de l’argent aux