Ce mardi 4 novembre, la justice chinoise s’est prononcée : sept condamnations à mort, dont cinq fermes, contre les membres d’un gang accusés d’être à la tête de dizaines de centres d’arnaque en ligne opérant en Birmanie. Deux des sept condamnations prononcées par un tribunal de Shenzhen sont assorties d’un sursis de deux ans, verdict qui se traduit communément par un emprisonnement à vie.
Un cas similaire était survenu le 29 septembre, lorsque 39 personnes de la même famille, le clan mafieux Ming, avaient été jugées coupables par le tribunal de Wenzhou, pour les mêmes crimes : fraudes aux télécommunications, casinos illégaux, trafic de drogue et prostitution. Onze ont été condamnés à mort. Selon la BBC, la famille Ming était l’une des plus puissantes de l’Etat Shan, en Birmanie, et les centres d’escroquerie qu’elle gérait à Laukkaing employaient au moins 10 000 personnes.
Le Triangle d’or, de l’opium à la cyberarnaque
Dans la sentence émise par le tribunal de Shenzhen et relayée par l’agence officielle Xinhua, on lit que «les criminels ont été reconnus coupables d’avoir construit 41 complexes dans la région de Kokang», dans le nord-ouest de la Birmanie, dans l’Etat Shan. En outre, les condamnés sont jugés responsables de «la mort de six ressortissants chinois, le suicide d’un autre et des blessures pour plusieurs autres». Les autorités chinoises indiquent avoir procédé, depuis juillet 2023, à 57 000 interpellations en lien avec ce type de délits.
Celles-ci mènent une campagne pour enrayer la prolifération des complexes de cyberfraude dans les zones du Triangle d’or, à la frontière entre la Chine, la Birmanie et la Thaïlande. La région est considérée comme l’une des principales productrices d’opium dans le monde depuis les années 1920. Elle est devenue ensuite un fief de la cybercriminalité, l’ensemble des délits commis dans l’intention d’acquérir illégalement et d’exploiter, à des fins lucratives, les données sensibles d’une personne ou d’une entreprise.
Regroupées dans des complexes, des petites mains employées derrière des écrans ou des téléphones soutirent chaque année des milliards de dollars à des victimes à travers le monde. La cyberfraude est associée aux jeux clandestins, au trafic de drogue et d’êtres humains, ainsi qu’à la prostitution. Si certains des opérateurs se livrent de leur plein gré à ces activités, beaucoup y sont forcés et littéralement réduits en esclavage.
L’un d’eux avait livré son témoignage, rescapé d’un centre de Myawaddy : recruté via une fausse offre d’emploi puis séquestré, il était contraint de soutirer, sous une surveillance permanente, des milliers d’euros à des internautes à l’autre bout du monde, dans des conditions d’exploitation extrêmes, ponctuées de violences physiques et psychologiques. «Presque tous ceux qui étaient dedans ont été battus à un moment ou à un autre, soit pour avoir refusé de travailler, soit pour avoir tenté de partir», rapportait-il.
Enlèvement à Bangkok
De tels témoignages ne sont pas rares. Le 3 janvier, Wang Xing, jeune acteur chinois, était censé rencontrer à Bangkok un réalisateur pour parler d’un rôle dans un film. Arrivé au rendez-vous, il est kidnappé et emmené dans le centre de cyberarnaque birman de Myawaddy. Sa petite amie, Jiajia, avait écrit sur les réseaux sociaux qu’elle avait perdu tout contact avec lui après son atterrissage dans la capitale thaïlandaise. Sa disparition a suscité une vive émotion en Chine, et les messages de Jiajia ont été repostés dans tout le pays, y compris par des célébrités tells que l’actrice Yao Chen et la pop star Lay Zhang. La mobilisation a mis sous pression le gouvernement chinois et les autorités thaïlandaises. Quatre jours après sa disparition, Wang Xing était libéré.
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Le 22 octobre, SpaceX, le géant de la technologie spatiale fondé par Elon Musk, avait annoncé avoir désactivé à distance plus de 2 500 terminaux Starlink, appareils de sa fabrication utilisés par des mafias chinoises dans des tentatives d’arnaques. Ce matériel permet de contourner le blocage d’autres fournisseurs d’accès imposé par la Thaïlande, pays limitrophe des centres. Alors qu’elle était quasiment insignifiante en Birmanie jusqu’en 2024, l’entreprise d’Elon Musk se classe depuis juillet au premier rang des opérateurs Internet du pays.