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Libération
Répression

Contestation étudiante au Bangladesh : au moins 55 morts dans de nouvelles manifestations

Opposants et partisans de la Première ministre Sheikh Hasina se sont affrontés à coups de bâtons et de couteaux ce dimanche 4 août, tandis que les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles, faisant monter le bilan à 261 tués depuis le début des manifestations.
Un homme blessé lors d'un affrontement entre la police, les partisans du gouvernement et les manifestants dans la zone de Bangla Motor, à Dhaka, au Bangladesh, le 4 août 2024. (Reuters)
publié le 4 août 2024 à 19h57

Rien n’endigue l’escalade de la violence au Bangladesh. Depuis plus d’un mois, des manifestations étudiantes réclament la suppression définitive de vieux quotas d’emploi discriminatoires pour l’embauche de fonctionnaires, un système restauré en juin puis partiellement aboli par la justice le 21 juillet. Mais désormais, c’est l’ensemble du système politique du pays qui est visé, et notamment l’autoritaire Première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis quinze ans.

Dans ce contexte, de nouveaux rassemblements ont fait au moins 55 victimes, ce dimanche 4 août, selon un bilan de la police et des hôpitaux. D’après le porte-parole de la police, Kamrul Ahsan, figurent dans ce bilan au moins 14 policiers. De quoi porter à au minimum 261 le nombre de personnes tuées depuis le début des manifestations en juillet.

En début de journée, des milliers de Bangladais s’étaient rassemblés sur une place de Dacca, la capitale de vingt millions d’habitants, pour exiger la démission de Sheikh Hasina. Certains ont agité un drapeau bangladais sur un véhicule blindé sous le regard des soldats. Ils répondaient à l’appel d’une coalition étudiante, Students Against Discrimination, qui avait exhorté la veille à la désobéissance civile.

De nombreuses villes touchées

Puis des affrontements de plus en plus violents entre étudiants et partisans de Sheikh Hasina et du parti au pouvoir la Ligue Awami ont transformé Dacca «en champ de bataille» selon une source policière. Une foule de plusieurs milliers de manifestants auraient mis le feu à des voitures et des motos près d’un hôpital. Les camps rivaux se sont affrontés à coups de bâtons et de couteaux, tandis que les forces de l’ordre ont de nouveau tiré à balles réelles.

Des décès ont été signalés à Dacca et dans les districts de Bogra, Pabna et Rangpur, dans le nord du pays, ainsi qu’à Magura dans l’ouest, à Comilla dans l’est, et à Barisal et Feni dans le sud. La police a également précisé que des manifestants avaient pris d’assaut un poste de police dans la ville d’Enayetpur, dans le nord-est du pays, tandis qu’un poste de police aurait été attaqué, et onze policiers y auraient été tués.

En amont de ces heurts, l’un des dirigeants étudiants, Asif Mahmud, avait prévenu ses concitoyens qu’ils devaient être «prêts à se battre», écrivant sur Facebook : «préparez vos bâtons de bambou et libérez le Bangladesh». De son côté, le secrétaire général du parti au pouvoir, Obaidul Quader, avait appelé les Bangladais à se rassembler dimanche dans «tous les quartiers de Dacca» et «dans tous les districts» du pays.

L’armée, «aux côtés du peuple»

Ces affrontements comptent parmi les plus meurtriers depuis l’arrivée au pouvoir de Sheikh Hasina en 2009. Commencées le 1er juillet et au départ pacifiques, les manifestations ont commencé tourner à l’émeute après deux semaines, quand la répression a fait ses premiers morts. Pour rétablir l’ordre, le gouvernement avait notamment coupé l’accès à internet, imposé un couvre-feu et déployé l’armée en plus de la police antiémeute.

Mais plus le temps passe, plus le gouvernement perd ses soutiens. D’abord, celui des industries : ce dimanche, quarante-sept entreprises du secteur textile se sont dites «solidaires» du mouvement de contestation. «Nous ne pouvons pas rester silencieux et regarder des innocents perdre la vie et des revendications qui ne sont pas entendues», ont-elles écrit dans un communiqué commun.

Puis celui des militaires. Samedi 3 août, l’actuel chef de l’armée, le général Waker-uz-Zaman, avait affirmé dans un communiqué que l’armée avait «toujours été aux côtés du peuple et le sera (it) toujours», une formulation ambiguë dans le contexte. Ce dimanche, c’est l’ancien chef de l’armée bangladaise, le général Ikbal Karim Bhuiyan qui s’est exprimé devant la presse. «Nous sommes profondément préoccupés […] et attristés par tous les meurtres, tortures, disparitions et arrestations massives qui ont tourmenté le Bangladesh au cours des trois dernières semaines», a-t-il déclaré.

«Nous demandons au gouvernement en place de retirer immédiatement les forces armées de la rue», a-t-il ajouté, dans une déclaration commune avec d’autres anciens officiers supérieurs, en soulignant que les gens n’avaient «plus peur de sacrifier leur vie». Il a par ailleurs estimé que «ceux qui sont responsables d’avoir poussé les habitants de ce pays dans un état de misère aussi extrême devront être traduits en justice».