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Libération
Pression scolaire

Copies d’examen retirées 90 secondes trop tôt : des lycéens sud-coréens demandent 14 000 euros chacun au gouvernement

S’estimant lésés, les élèves qui ont passé le «Suneung» en novembre ont attaqué l’Etat en raison d’une durée d’épreuve non respectée. Considéré comme le moment le plus déterminant de leur scolarité, l’examen est de plus en plus critiqué.
A Séoul, lors d'un «Suneung», le 16 novembre 2023. (Chung Sung Jun /AFP)
publié le 21 décembre 2023 à 16h07

Les stylos ont été posés trop tôt. A Séoul, au moins 39 lycéens ont porté plainte contre le gouvernement après avoir passé leur examen d’admission à l’université, a rapporté mardi 19 décembre la BBC, reprenant les informations de l’agence de presse sud-coréenne Yonhap. En cause : des copies rendues quatre-vingt-dix secondes avant la fin du temps réglementaire.

Mi-novembre avait lieu le célèbre «Suneung». Pendant neuf heures, les épreuves se sont succédé dans le but d’accéder à l’enseignement supérieur. Un des examens les plus difficiles du pays, considéré par certains élèves comme le moment le plus déterminant de leur scolarité. Pour le préjudice subi, chaque lycéen réclame aujourd’hui 20 millions de wons (environ 14 000 euros), soit le coût d’une année d’études, afin qu’ils puissent repasser l’examen.

«L’aboutissement d’années de labeur»

Selon la plainte, l’erreur a été commise lors de la toute première épreuve de la journée : celle de langue coréenne. Malgré leurs protestations, les élèves expliquent que leurs copies ont été confisquées, les empêchant de terminer correctement l’examen. Les enseignants, qui ont admis leur erreur avant le début de l’épreuve suivante, leur ont ensuite accordé une minute et demie pendant la pause déjeuner pour remplir les questions non répondues, mais pas pour revenir sur les réponses déjà données. Une compensation qui n’a pas suffi à en croire l’avocat des lycéens, qui assure que la faute a bouleversé ses clients et affecté la suite de leurs épreuves. Déstabilisés, certains auraient même préféré abandonner et rentrer chez eux.

La plainte, qui peut paraître anecdotique, est prise au sérieux dans le pays. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des lycéens saisissent la justice pour un examen fini trop tôt. En avril, des étudiants à Séoul avaient obtenu 7 millions de wons (soit environ 4 900 euros) à l’issue d’un procès, après qu’une cloche a sonné deux minutes avant l’heure convenue lors du Suneung de 2021. Et il n’y a pas qu’en Corée du Sud qu’on ne badine pas la durée des examens. En 2012, un homme a été condamné en Chine à un an de prison avec sursis. En cause : un examen national d’entrée à l’université interrompu presque cinq minutes à l’avance.

En Corée du Sud, les élèves se préparent dès l’enfance pour le Suneung. Cette épreuve d’admission à l’enseignement supérieur, qui concerne chaque année un demi-million de lycéens, est essentielle pour déterminer l’université que pourra intégrer chaque candidat. Les résultats sont donc primordiaux dans ce pays au système éducatif ultra-compétitif, où sortir d’un établissement réputé offre souvent de meilleures possibilités de carrière. Pour de nombreux étudiants, le Suneung est «considéré comme l’aboutissement d’années de dur labeur», confirme l’agence de presse Yonhap.

Discrimination des élèves les plus pauvres

Preuve de son importance, l’examen national paralyse chaque année le pays. Pendant cette journée de novembre, les décollages et atterrissages d’avions sont temporairement interdits pour limiter le bruit. Les métros et bus sont quant à eux modifiés, avec une heure de pointe étendue et des services renforcés pour permettre à chacun d’arriver à temps pour le coup d’envoi. Et en cas de retard, «des voitures de polices et des fonctionnaires se tiendront également prêts» à aider l’élève à rejoindre le centre d’examen, poursuit l’agence de presse sud-coréenne. Les horaires d’ouverture des mairies sont aussi modifiés pour réduire les embouteillages quand, explique la BBC, les magasins et les banques sont même fermés.

Le test académique fait en revanche l’objet de nombreuses critiques. Réputé pour sa difficulté, le Suneung est notamment accusé de discriminer les élèves moins fortunés, qui n’ont pas accès à des cours particuliers ou à des écoles privées. Mi-juin, le gouvernement a annoncé qu’il supprimerait les questions trop complexes, et dont les réponses ne sont pas enseignées à l’école. L’objectif selon l’agence de presse Yonhap : réduire les dépenses de l’éducation privée. Et faire un premier pas vers un «Suneung juste».