Un père et sa fille, main dans la main, baignant dans le soleil d’automne. Elle doudoune blanche, chaussures rouges. Lui en veste kaki et pantalon noir. Avec en second plan, le petit dernier : un gigantesque missile Hwasong-17 dévoilé vendredi 18 novembre. La photo de famille a été rendue publique ce samedi par l’agence d’Etat KCNA. «Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a supervisé le lancement de son dernier missile balistique intercontinental accompagné de sa fille qu’il a dévoilée au monde pour la première fois», a confirmé l’agence d’Etat dans un message publié ce samedi matin, précisant que Kim Jong-un était également accompagné de sa femme. Et au-delà du roman familial, KCNA a bien évidemment salué le «succès» du tir du dernier missile balistique intercontinental nord-coréen qui s’est abîmé en mer du Japon, au large de l’île d’Hokkaido, louant un «tir d’essai» qui «a clairement prouvé la fiabilité du nouveau système d’armement stratégique majeur». Le lancement de vendredi confirme «qu’une fois de plus, les forces nucléaires de la RPDC [la Corée du Nord, ndlr] ont atteint une nouvelle capacité maximale fiable pour contenir toute menace nucléaire», ajoute KCNA.
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L’agence nationale nord-coréenne a indiqué que le missile avait atteint «une altitude maximale de 6 040,9 km» et «parcouru une distance de 999,2 km» avant «d’atterrir avec précision sur la zone prédéfinie» dans la mer du Japon. Et la distance et l’altitude correspondent aux estimations données par Séoul et par Tokyo vendredi. Des données légèrement inférieures à celles du précédent missile balistique intercontinental tiré par Pyongyang le 24 mars, qui était son test a priori le plus puissant jamais réalisé, avant que Séoul n’émette finalement des doutes sur son succès. Mais cette fois, les analystes internationaux s’accordent pour dire que l’essai mené vendredi semble bien réussi. «Ce lancement est significatif car il s’agit [probablement] du premier essai réussi» de ce missile, a souligné auprès de l’AFP Joseph Dempsey, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques (IISS).
Le Hwasong-17, qui compte parmi les armes les plus puissantes de Pyongyang, a été surnommé le «missile monstre» par des analystes militaires. D’après les images, le missile lui-même mesure 26 mètres de long. Au début du mois, sur la seule journée du 2 novembre, le régime de Kim Jong-un a procédé à 23 tirs de missiles dont l’un s’est abîmé non loin des eaux territoriales de la Corée du Sud. Une rafale sans précédent, soit plus que pendant toute l’année 2017, à l’époque où le dirigeant Kim Jong-un et l’ancien président américain de Donald Trump se menaçaient réciproquement d’apocalypse nucléaire. Selon Soo Kim, ancienne analyste de l’agence américaine de renseignement CIA, le lancement de vendredi témoigne de «la permanence du programme d’armement du régime des Kim, car il fait partie intégrante de sa propre survie et de la continuité du règne de sa famille». «Cela répond même en partie à des questions entourant la succession», a ajouté à l’AFP cette analyste, aujourd’hui à la RAND Corporation. «Nous avons vu de nos propres yeux la quatrième génération des Kim. Et sa fille – ainsi que d’autres éventuels frères et sœurs – sera certainement préparée par son père», a-t-elle relevé.
Les Etats-Unis déploient un avion bombardier dans la péninsule coréenne
Dans un contexte de tensions croissantes dans la péninsule coréenne, Kim a également réaffirmé qu’il n’hésiterait pas à recourir à la bombe atomique en cas d’attaque nucléaire contre son pays. De quoi motiver le Conseil de sécurité des Nations unies à se réunir en urgence lundi pour discuter d’une situation qui ne cesse d’empirer. Ces derniers mois, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont intensifié leurs manœuvres militaires conjointes depuis que Kim Jong-un a déclaré en septembre que le statut d’Etat nucléaire de la Corée du Nord était «irréversible». Et le lancement hier d’un nouveau missile intercontinental n’arrange pas les choses. Samedi, l’armée sud-coréenne a annoncé qu’un bombardier américain B-1B avait été redéployé dans la péninsule coréenne, dans le cadre de nouveaux exercices menés par les deux alliés. Bien que le B-1B ne transporte plus d’armes nucléaires, il est décrit par la Force aérienne des Etats-Unis comme «l’épine dorsale de la force de bombardement à longue portée des Etats-Unis», capable de frapper n’importe où dans le monde. «La Corée du Sud et les Etats-Unis ont mené aujourd’hui un exercice aérien conjoint avec le bombardier stratégique B-1B de la Force aérienne des Etats-Unis redéployé dans la péninsule coréenne», ont précisé les chefs d’état-major interarmées du Sud dans un communiqué. Certains des jets les plus avancés des forces aériennes américaines et sud-coréennes, dont le chasseur furtif F-35, ont également participé à l’exercice, selon la même source.
Fin octobre et début novembre, Séoul et Washington avaient déjà dirigé les plus grands exercices aériens communs de leur histoire. La Corée du Nord est particulièrement sensible aux exercices aériens conjoints américano-sud-coréens, car son armée de l’air constitue son talon d’Achille. Pour Pyongyang, ces démonstrations de forces s’apparentent à des répétitions générales en vue d’une invasion de son territoire ou d’une tentative de renversement du régime. Pour Kim Jong-un, il s’agit d’«exercices de guerre d’agression hystérique». Via son agence de presse, il a promis de réagir «résolument aux armes nucléaires par des armes nucléaires et à un affrontement total par un affrontement sans merci».