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Justice

Corée du Sud : jugé pour «insurrection», le président Yoon dit avoir voulu empêcher une «dictature»

Le président sud-coréen suspendu après avoir tenté d’appliquer la loi martiale en décembre dernier, a été entendu pour la première fois ce jeudi 20 février par le tribunal central de Séoul. De son côté, la Cour constitutionnelle a jusqu’au 10 juin pour se prononcer sur la destitution définitive ou non du dirigeant.
Le président sud-coréen Yoon Suk-yeol à son procès devant la Cour constitutionnelle de Séoul, ce jeudi 20 février 2025. (Song Kyung-Seok/via REUTERS)
publié le 20 février 2025 à 9h52

La première audience d’un procès historique. Le président sud-coréen Yoon Suk-yeol, accusé d’«insurrection» pour avoir tenté d’imposer la loi martiale en décembre, a été entendu pour la première fois ce jeudi 20 février devant le tribunal central de Séoul dans le cadre de son procès pénal. Une procédure pendant laquelle l’avocat du dirigeant suspendu a soutenu que son client avait agi pour empêcher une «dictature législative».

Ce premier procès d’un président en exercice dans l’histoire de la Corée du Sud s’est ouvert à 10 heures (soit 2 heures à Paris), dans une salle bondée et sous d’importantes mesures de sécurité. La première audience, consacrée à des questions de procédure, s’est achevée environ 1h30 plus tard.

Le parquet, qui accuse le président d’être le «meneur d’une insurrection», a requis ce jeudi son maintien en détention, invoquant «la possibilité que l’accusé influence ou persuade les personnes impliquées dans l’affaire». Le principal intéressé, présent à l’audience, n’a pas pris la parole. Son avocat, Kim Hong-il, a pour sa part demandé au tribunal d’annuler l’acte d’inculpation, fruit selon lui d’une «enquête illégale».

«La déclaration de la loi martiale n’avait pas pour but de paralyser l’Etat, mais plutôt d’alerter l’opinion publique sur la crise nationale provoquée par la dictature législative du parti dominant de l’opposition, qui avait paralysé l’administration», a plaidé ce jeudi son avocat.

«Symboliquement, pour souligner le problème de la dictature parlementaire, seule une petite force de 280 soldats a été déployée, strictement pour maintenir l’ordre, avec des instructions claires selon lesquelles ils ne devaient pas être équipés de balles réelles. En outre, le déploiement effectif des forces n’a eu lieu qu’après la déclaration, et aucune personne n’a été blessée», a-t-il essayé de tempérer. Yoon Suk-yeol reste officiellement le président en attendant le verdict de la Cour constitutionnelle. Ce procès pénal se distingue d’une autre procédure en cours devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci sera amenée à confirmer ou infirmer la destitution du président votée le 14 décembre par l’Assemblée nationale.

Un autre procès devant la Cour constitutionnelle

Une audience distincte, devant la Cour constitutionnelle, a ensuite débuté vers 15 heures (soit 7 heures à Paris). Le président a quitté la salle au bout de cinq minutes, selon un compte rendu fourni aux journalistes. Etaient appelés à témoigner pour cette audience : Han Duck-soo, également inculpé en tant que président par intérim, et un ancien haut responsable des services de renseignement Hong Jang-won. Le chef de l’agence nationale de la police sud-coréenne, Cho Ji-ho, également jugé pour insurrection, devait aussi être entendu. Il s’agit de la dixième audience dans cette affaire, probablement l’une des dernières avant que les huit juges ne se retirent pour délibérer. Ils ont jusqu’au 10 juin pour rendre leur verdict.

Si la Cour confirme la destitution, une élection présidentielle anticipée devra être organisée dans les soixante jours. Dans le cas contraire, Yoon Suk-yeol sera réinstallé dans ses fonctions. La majeure partie du procès en destitution de celui-ci a tourné autour de la question de savoir s’il avait violé la Constitution en déclarant la loi martiale, une mesure qui ne peut être prise que lorsqu’une intervention militaire est nécessaire pour préserver la sécurité et l’ordre public «en cas de conflit armé ou d’une urgence nationale similaire».

Yoon Suk-yeol continue d’être soutenu par une partie de sa formation, le Parti du pouvoir au peuple (PPP), par la frange la plus radicale de la droite sud-coréenne et par d’influents pasteurs évangéliques. L’homme de 64 ans, est accusé d’«insurrection», un crime passible de la peine de mort ou de la prison à vie et qui n’est pas couvert par son immunité présidentielle.

Arrêté le 15 janvier après s’être retranché pendant des semaines, protégé par sa garde rapprochée, dans sa résidence de Séoul, il a été inculpé le 26 janvier et placé en détention provisoire pour six mois. Au terme de cette période, il devra être libéré s’il n’a pas été condamné d’ici-là.

Chaos politique

Le président conservateur avait plongé la Corée du Sud dans le chaos politique le 3 décembre en décrétant la loi martiale et en envoyant l’armée au parlement pour tenter de le museler. Il avait dû faire marche arrière six heures plus tard, les députés étant parvenus à se réunir en urgence et à voter une motion exigeant le retour au régime civil.

Le président avait justifié son coup de force par le fait que le Parlement, dominé par l’opposition, bloquait l’adoption du budget de l’Etat. Dans une allocution télévisée surprise, il avait dit vouloir «protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes» et «éliminer les éléments hostiles à l’Etat».