Le service anticorruption chargé de l’enquête sur la loi martiale en Corée du Sud a annoncé ce lundi 6 janvier qu’il allait demander un délai supplémentaire pour arrêter le président déchu Yoon Suk-yeol, retranché dans sa résidence de Séoul, après avoir été empêché de le faire vendredi par la garde rapprochée du dirigeant. Le mandat d’arrêt délivré le 31 décembre par un tribunal de Séoul expire ce lundi à minuit (16 heures heure française).
Vendredi, les enquêteurs du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), appuyés par des policiers étaient entrés dans la résidence du président pour l’interpeller. Mais ils s’étaient heurtés à une unité de l’armée et à des agents du service de sécurité présidentiel (PSS) deux fois plus nombreux qu’eux, et avaient battu en retraite, bredouilles, après six heures de face-à-face tendu. Des tractations entre différents services de sécurité sont en cours lundi sur la façon de procéder à une deuxième tentative. La police sud-coréenne envisage d’arrêter les membres du service de sécurité présidentiel s’ils tentent à nouveau d’entraver le travail des enquêteurs. Le chef du CIO a indiqué que son service avait demandé au président par intérim Choi Sang-mok d’ordonner aux gardes du corps du président de coopérer. «Mais nous n’avons pas reçu de réponse», a-t-il déploré.
«Ils doivent l’arrêter immédiatement»
Ancien procureur vedette, Yoon Suk-yeol, 64 ans, a été destitué par l’Assemblée nationale le 14 décembre. Il est visé par une enquête pour «rébellion», un crime passible de la peine de mort, pour avoir instauré par surprise la loi martiale le 3 décembre et envoyé l’armée au Parlement pour le museler, avant de faire marche arrière peu après sous la pression des députés et de milliers de manifestants.
Reportage
Comme tous les jours depuis le 31 décembre, des centaines de partisans inconditionnels de Yoon étaient présents ce lundi dès l’aube, dans la brume, près du domicile du président déchu, prêts à en découdre en cas de nouvelle tentative d’arrestation et surveillés par de nombreux policiers. «Le service de sécurité présidentiel protégera le président, et nous protégerons le service de sécurité présidentiel jusqu’à minuit. S’ils obtiennent un nouveau mandat d’arrêt, nous reviendrons», a affirmé un des organisateurs du rassemblement, Kim Soo-yong, 62 ans. Une cinquantaine de détracteurs de Yoon manifestaient aussi dans les environs. «Le CIO est une des agences les plus incompétentes que j’aie jamais vue. Je suis ici depuis plus longtemps que le CIO. Ils doivent l’arrêter immédiatement. Cela n’a pas de sens qu’ils ne puissent pas le faire», s’énerve l’une de ces manifestantes, Kim Ah-young, la trentaine.
Au milieu de ce psychodrame, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a effectué ce lundi une courte visite à Séoul, première étape d’une tournée d’adieu comprenant aussi Tokyo et Paris. Les vociférations des manifestants pro-Yoon étaient clairement audibles depuis l’hôtel où il était logé. Blinken s’est abstenu de tout commentaire sur la situation intérieure du pays.
Comme pour ajouter à la confusion ambiante, la Corée du Nord a tiré son premier missile balistique de l’année pendant sa visite.
Une «milice privée»
Les avocats du président déchu Yoon soutiennent que le mandat d’arrêt est «invalide et illégal». Leur recours contre ce mandat a été rejeté par un tribunal de Séoul, mais ils ont annoncé qu’ils feraient appel. Le chef du service de sécurité présidentiel, Park Jong-jun, a invoqué dimanche cet argument pour justifier son refus de laisser arrêter Yoon.
Crise politique
«L’exécution d’un mandat d’arrêt dont la régularité procédurale et juridique fait l’objet de contestations compromet la mission fondamentale du PSS, qui est d’assurer la sécurité absolue du président», a-t-il écrit dimanche dans un communiqué, alors que les détracteurs de Yoon accusent son service d’être devenu une «milice privée» du Président. Dimanche, l’un des avocats du président déchu, Yoon Kab-keun, a par ailleurs annoncé le dépôt d’une plainte contre le chef du CIO. La Cour constitutionnelle de Corée du Sud, qui a jusqu’à mi-juin pour confirmer ou infirmer la destitution de Yoon, a par ailleurs annoncé que les audiences commenceraient le 14 janvier. En attendant, Yoon, suspendu, reste officiellement le président du pays.