Son propre parti et l’opposition veulent qu’il réponde de ses actes. Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol est mis dos au mur ce mercredi 4 décembre, après avoir tenté la veille d’imposer la loi martiale, une mesure qu’il a été obligé d’abroger sous la pression. Yoon Suk Yeol, dont la cote de popularité était déjà extrêmement faible, a annoncé ce virage autoritaire lors d’une allocution surprise mardi 3 décembre, accusant l’opposition de constituer des «forces hostiles à l’Etat» sur fond de désaccord sur le budget.
A cette annonce, des troupes ont été déployées et des hélicoptères de l’armée ont atterri sur le toit du parlement tandis que les députés se réunissaient en catastrophe pour adopter une résolution exigeant l’abrogation de la mesure. Le président a fini par se résoudre à un rétropédalage après plusieurs heures, alors que des centaines de manifestants s’étaient rassemblées devant le parlement pour exiger le retrait du texte et la démission de Yoon Suk Yeol. Ce mercredi, c’est devant le palais présidentiel que des milliers de manifestants se sont rendus, avant de disperser dans le calme en soirée (en début d’après-midi à Paris, en raison des huit heures de décalage horaire).
D’après l’opposition, le président a tenté d’échapper à des enquêtes le visant
Le principal parti d’opposition (Parti démocrate) a également exigé sa «démission» immédiate, avant d’annoncer mercredi avoir déposé une motion de destitution contre le président. Les députés décideront ultérieurement la date du vote de cette motion, qui pourrait intervenir dès vendredi, ont indiqué les six partis d’opposition lors d’une conférence de presse commune. «Nous allons porter plainte pour rébellion» contre le président, ses ministres de la Défense et de l’Intérieur et des «personnalités clés de l’armée et de la police, telles que le commandant de la loi martiale (général de l’armée, ndlr) et le chef de la police», a ajouté le Parti démocrate. Le ministre de la Défense a réagi ce mercredi en «offrant» de démissionner.
Le texte de la motion de destitution, déposé par six partis d’opposition, avance un mobile potentiel. Selon ses termes, le président a «gravement et largement violé la constitution» en décrétant la loi martiale, une décision motivée par «une volonté d’échapper à des enquêtes criminelles impliquant le président Yoon et sa famille», et «sans aucun des pré-requis constitutionnels tels que la présence d’une guerre, d’une rébellion armée ou d’une urgence nationale comparable» précise le texte.
Reportage
Celui de Yoon Suk Yeol, le Parti du Pouvoir au Peuple, a souligné mercredi que leur leader devrait rendre des comptes. «Le président doit expliquer cette situation tragique tout de suite et en détail», a déclaré à la télévision le chef de sa formation, Han Dong-hoon, soulignant que «tous les responsables devront rendre des comptes». Le chef de cabinet du président et d’importants conseillers ont dans la matinée «présenté en masse leur démission», selon l’agence de presse nationale Yonhap.
La Confédération coréenne des syndicats, plus importante intersyndicale du pays avec ses quelque 1,2 million de membres, a appelé à une «grève générale illimitée» jusqu’à la démission de Yoon Suk Yeol, estimant qu’il avait «signé sa propre fin au pouvoir». A la mi-journée, le dirigeant n’était toujours pas réapparu en public.
La Bourse de Séoul en chute
Signe de l’instabilité politique qui règne dans le pays, la Bourse de Séoul a clôturé mercredi en baisse de 1,4 %, après avoir lâché plus de 2 % en séance, minée par les récents événements. Poids lourd de la cote, Samsung Electronics a fini en baisse de 0,93 % après avoir abandonné jusqu’à 3 % en cours d’échanges.
L’imposition de la loi martiale, une première depuis plus de 40 ans dans le pays, aurait impliqué la suspension de la vie politique ainsi que la fermeture du parlement et la mise sous contrôle des médias. Ce coup de tonnerre a généré inquiétude et désapprobation dans le monde, notamment des Etats-Unis, principal allié de Séoul face à la Corée du Nord et la Chine.
Dans le contexte de difficultés à adopter le budget, Yoon Suk Yeol avait justifié mardi la mesure en disant vouloir «éliminer les éléments hostiles à l’Etat» et «protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes». Il avait entre autres pointé du doigt une «dictature législative» et accusé les élus de l’opposition de bloquer «tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation». Le chef de l’opposition Lee Jae-myung, qui a perdu de justesse l’élection présidentielle contre Yoon Suk Yeol en 2022, avait qualifié d’«illégale» la mesure imposée par celui-ci et appelé à manifester devant le parlement. Dans la soirée, mercredi 4 décembre, des milliers de manifestants se sont réunis dans les rues de Séoul.
Mise à jour à 10h34 avec l’offre de démission du ministre de la Défense ; à 14 h20 avec le contenu de la motion de destitution et la manifestation dispersée dans le calme.