2024, année de naissance de la lutte sociale chez Samsung Electronics. La filiale phare de la multinationale sud-coréenne, plus riche entreprise du pays qui pendant des décennies avait empêché ses employés de se syndiquer, avait déjà, le 7 juin, connu sa toute première grève depuis sa création en 1938. Mais les demandes de primes et d’augmentation de rémunérations réclamées par les salariés n’avaient pas été écoutées.
Le syndicat national de Samsung Electronics (NSEU), qui représente environ 30 000 salariés – plus d’un cinquième de l’effectif total de l’entreprise –, a annoncé mercredi 10 juillet qu’il prolongeait de manière «illimitée» une mobilisation lancée lundi et qui devait durer trois jours, après l’échec des négociations avec la direction sur les salaires et les avantages sociaux : «Nous déclarons une grève générale illimitée à partir du 10 juillet, après avoir appris que la direction n’était pas disposée à discuter à la suite de la première grève générale», détaille le communiqué du syndicat. Plus de 5 000 employés avaient déjà cessé le travail lundi 8 juillet, dans la suite directe du débrayage du 7 juin.
«La direction finira par s’agenouiller»
Selon un porte-parole de Samsung, l’entreprise «veillera à ce qu’aucune perturbation ne se produise sur les lignes de production», semblant espérer que la grève n’aura aucune conséquence. «L’entreprise reste engagée dans des négociations de bonne foi avec le syndicat», a-t-il ajouté. Mais de son côté, le NSEU confirme qu’il y aura une «perturbation évidente de la production», ajoutant que plus la grève durera, «plus la direction souffrira» : «[La direction] finira par s’agenouiller et s’asseoir à la table des négociations. Nous sommes confiants dans la victoire.»
Pour le syndicat, qui estime qu’elle n’est pas disposée à engager le dialogue, la direction de Samsung cherche à faire «obstruction» à la grève. Le NSEU appelle tous les salariés, notamment «ceux qui hésitent encore», à se joindre au mouvement: «Votre détermination est nécessaire pour faire avancer nos objectifs et notre victoire. Unissons nos forces pour protéger nos droits et créer un avenir meilleur.» Toujours infructueuses, les négociations sont pourtant engagées depuis janvier. Les salariés ont rejeté une offre d’augmentation de 5,1 %, alors que le syndicat réclame aussi une amélioration des congés annuels et une transparence des primes basées sur les performances.
«De la poussière sur les yeux»
Pendant près de cinquante ans, Samsung avait empêché ses employés de se syndiquer avec parfois des méthodes violentes. Le fondateur de l’entreprise, Lee Byung-chul, mort en 1987, y était catégoriquement opposé, martelant qu’il n’autoriserait jamais les syndicats, «jusqu’à ce que j’aie de la poussière sur les yeux». Ce n’est qu’à la fin des années 2010 que la première organisation de défense des salariés a ainsi pu être constituée chez Samsung Electronics.
Le conflit est hautement symbolique car Samsung Electronics est l’un des plus grands fabricants mondiaux de smartphones, de puces semi-conductrices et un des rares producteurs de cartes mémoire à forte valeur ajoutée utilisées pour l’intelligence artificielle. Filiale d’un des plus importants conglomérats familiaux coréens – qui a annoncé la semaine dernière s’attendre à un bénéfice d’exploitation multiplié par quinze au deuxième trimestre –, elle bénéficie d’une croissance notamment due à un rebond des prix des puces. Des puces qui sont le principal produit d’exportation de la Corée du Sud, lui rapportant 11,7 milliards de dollars en mars, un record depuis près de deux ans. Cela représente un cinquième des exportations totales du pays, faisant de Samsung une société incontournable dans le pays, où ses relations privilégiées avec le monde politique sont régulièrement mises en cause.