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Dark tourism

Au Kazakhstan, la mémoire minée des vestiges du goulag

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Dans l’ancienne république soviétique, les ruines des camps de travail sont devenus des sites touristiques. Entre vérité historique et prudence politique, musées, autorités, chercheurs et habitants hésitent encore sur ce qu’il faut dire et ce qu’il vaut mieux taire.
Portrait de Lénine au musée de la Mémoire des victimes des répressions politiques, à Dolinka au Kazakhstan. (Ofeliya Zhakayeva/Libération)
par Manon Madec, correspondante à Almaty (Kazakhstan)
publié aujourd'hui à 7h09

Il y a deux types de touristes qui visitent le Kazakhstan : les fous de nature, et les adeptes du dark tourism. Les premiers explorent les steppes pour goûter au mode de vie nomade ; les seconds, pour scruter les traces de la répression soviétique. Entre 1920 et 1960, des millions de déportés ont été envoyés dans les camps de travail disséminés à travers le territoire kazakhstanais, alors surnommé «la prison de l’URSS». Opposants politiques, intellectuels, artistes – les «ennemis du peuple» – travaillaient dans les mines, les chantiers ou les fermes au service de l’économie soviétique. Le nombre de morts est incertain, mais il se compte en millions.

Plus de soixante-dix ans après la mort de l’architecte de ce système, Joseph Staline, l’archipel du goulag est partout et nulle part à la fois. Aucun panneau ne signale le musée de la Mémoire des victimes des répressions politiques, à Dolinka, dans la région de Karaganda, à trois heures de route de la capitale, Astana. Il occupe pourtant l’ancien siège du Karlag, le plus vaste camp de l’Union soviétique. «Grand comme la Belgique», peut-on lire dans les guides.

A la périphérie d’Astana, un second musée, Alzhir, a été construit sur les ruines du camp pour femmes d’Akmola, où 18 000 d’entre elles furent détenues pour avoir épousé des «traîtres à la patrie». Notés 7/10 sur le «darkomètre», l’échelle de la noirceur du site dark-tourism.com, les lieux sont «sombres, peut-être trop pour certaines pers