«Pas de Rohingyas chez nous» : voilà l’accueil que leur réservent les habitants de l’île de Sumatra, sur laquelle ils s’étaient réfugiés temporairement après avoir survécu, pour certains, au naufrage de leur embarcation au large de l’Indonésie la semaine dernière.
Sur les 150 personnes présentes à bord du bateau, seules 75 ont été sauvées le 20 mars, et 11 corps ont été retrouvés. Alors qu’ils avaient été accueillis par la Croix-Rouge dans le district d’Aceh occidentale, les bâtiments ont été investis par des habitants mardi 26 février, exigeant leur expulsion. Les réfugiés sont régulièrement accusés de prendre des ressources déjà rares et de se quereller parfois avec la population locale.
Atroces massacres
L’Indonésie n’est pas signataire de la Convention des Nations unies sur les réfugiés. Par conséquent, le porte-parole du ministère indonésien des Affaires étrangères, Lalu Muhamad Iqbal, a affirmé mercredi 27 mars, que bien que Jakarta ait offert aux naufragés un abri temporaire pour des raisons humanitaires, c’est maintenant aux Nations unies et aux signataires de la Convention de leur «offrir un abri permanent». Les autorités du district d’Aceh occidentale ont donc été contraintes de déplacer le groupe de 75 réfugiés.
Des milliers de Rohingyas, cette minorité ethnique majoritairement musulmane persécutée en Birmanie, risquent chaque année leur vie pour fuir par la mer, dans des embarcations de fortune, leurs camps surpeuplés du Bangladesh où ils sont 1 million à être entassés. La majorité – 750 000 Rohingyas – est arrivée en 2017, après les atroces massacres perpétrés par l’armée birmane dans l’Etat d’Arakan. Ils tentent de se rendre en Indonésie, ainsi qu’en Malaisie jugée plus tolérante, où 108 500 Rohingyas étaient enregistrés comme demandeurs d’asile en février, selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).
Pourtant la Malaisie ne reconnaît pas ce statut, durcissant les conditions d’immigration depuis quelques années, ce qui contraint les Rohingyas à se réfugier dans des camps de migrants illégaux. La crise humanitaire ne peut qu’empirer, avec le déplacement de la «révolution birmane» vers l’Etat de Rakhine où vivent actuellement ceux des Rohingyas qui sont restés après l’exode de 2017.
Vocabulaire raciste et islamophobe
Le rejet dont est victime cette minorité est notamment porté depuis novembre 2023 par une campagne de haine sur les réseaux sociaux indonésiens, propageant des fake news et qualifiant les Rohingyas de «voleurs» et de «vermine».
Selon une enquête des Nations unies rendue publique mercredi, ce vocabulaire raciste et islamophobe avait déjà été employé par l’armée birmane qui, derrière des dizaines de pages Facebook, avait répandu des discours haineux contre les Rohingyas avant le lancement des persécutions en 2017. Facebook a été accusé de contribuer à répandre ce narratif, avant que des centaines de milliers de Rohingyas ne soient forcés à l’exil au Bangladesh par une campagne de persécution. Des réfugiés ont lancé des poursuites contre le réseau social, réclamant 150 milliards de dollars d’indemnités pour ne pas avoir bloqué ces contenus qui diffusaient l’idée selon laquelle ils représenteraient «une menace existentielle pour la Birmanie par la violence, le terrorisme, ou l’islamisation», selon le Mécanisme d’enquête indépendant des Nations unies pour la Birmanie.