Il ne s’agit pourtant pas «des chèques», mais d’échecs. Néanmoins, les talibans, voyant le vice partout, considèrent désormais le jeu de plateau «comme un moyen de parier de l‘argent». Conséquence : il rejoint fissa la liste des activités interdites car jugé contraire à la loi adoptée l’an dernier sur la Propagation de la vertu et la prévention du vice (PVPV) – sur les mœurs, en somme.
Faisant l’objet d’«enjeux religieux», «les échecs seront suspendus en Afghanistan tant que ces enjeux ne seront pas traités», a annoncé de manière sibylline ce dimanche 11 mai le porte-parole des Sports du régime afghan, Atal Mashwani, sans préciser la sanction en cas de violation de cette énième interdiction.
Patron d’un café de Kaboul où les clients s’adonnaient volontiers à ce jeu, Azizullah Gulzada, 46 ans, affirme à l’AFP qu’il fera respecter l’interdiction, sans pour autant se dire convaincu par les arguments religieux, invoquant les «nombreux pays musulmans [qui] ont des joueurs d’un niveau international [et] qui participent à des rencontres internationales». «De nombreux [jeunes] venaient ici tous les jours, sans paris d’argent», ajoute-t-il, regrettant qu‘ils aient désormais moins de prétextes pour se rassembler.
En 2024, ce sont les compétitions de MMA (arts martiaux mixtes) qui ont été bannies, le gouvernement estimant qu‘elles étaient trop «violentes» et «problématiques vis-à-vis de la charia», tandis que la pratique du cricket est encore très répandue, mais seulement chez les hommes. Après avoir repris le pouvoir en 2021, les autorités talibanes ont progressivement imposé leur vision ultrarigoriste de l‘islam, interdisant certains sports, donc, et certaines activités, dont la musique diffusée en public – à la télévision, lors de concerts, en fond sonore dans des restaurants ou s’échappant des autoradios des conducteurs.
Epuration
Quatorze personnes ont ainsi été arrêtées dans le nord de l‘Afghanistan, a annoncé samedi la police provinciale. Leur tort : avoir chanté et joué de la musique. C’est dans le chef-lieu de la province de Takhar, que ces «14 individus […] ont profité de l‘obscurité de la nuit pour se rassembler dans une maison où ils ont joué des instruments de musique et chanté des chansons, causant un trouble à l‘ordre public», assure un communiqué de la police. Des enquêtes ont été ouvertes contre les personnes interpellées, ajoute le texte.
Instruments de musiques brûlés
Depuis 2021, les autorités talibanes ont aussi fait fermer les écoles de musique et des instruments ont souvent été fracassés ou brûlés, tout comme des haut-parleurs pour éviter la «corruption morale» et «la déviance de la jeunesse». Quant aux salles de mariage, elles n’ont plus le droit de passer de la musique, même si elle est souvent jouée en secret côté femmes, séparées de la partie hommes.
Ces dernières années, de nombreux musiciens ont quitté le pays, notamment parce qu‘ils avaient perdu leur gagne-pain dans l‘un des pays les plus pauvres au monde. Les talibans ont encouragé ceux qui restent à se rabattre sur la déclamation de chants religieux ou de poésie, comme ils l‘avaient fait lors de leur précédent règne (1996-2001).
Tribune
Les femmes afghanes, elles, font l‘objet d’une ostracisation progressivement totale des talibans, qui les ont interdites d’accès aux parcs, aux salles de sport, aux instituts de beauté et aux universités, poussant l‘ONU à dénoncer un «apartheid de genre».