Café, cadavre, la routine. Nyan Min Oo arrive toujours le ventre vide à l’hôpital public de North Okkalapa, à Rangoun, pas le temps de petit-déjeuner. Une dizaine de corps l’attendent au frais chaque matin. Le médecin légiste de 33 ans palpe la chair dure et grise et enchaîne les rapports d’autopsie. Mais, depuis le 2 février, les morts s’empilent sans lui. Nyan Min Oo est en grève. Il ne met plus les pieds à la morgue. «C’était une décision difficile car notre métier est de prendre soin des citoyens, justifie le praticien. Mais je ne veux pas travailler pour les militaires.»
Comme lui, des centaines de médecins, d’infirmiers et de sages-femmes ont déserté leurs postes dans les hôpitaux publics, passés sous le contrôle de l’armée birmane depuis le coup d’Etat du 1er février. Les soignants sont la colonne vertébrale du mouvement de désobéissance civile (Civil Disobedience Movement, CDM) qui paralyse une partie du pays. Au lendemain du putsch, des slogans tracés au feutre noircissaient déjà les combinaisons des infirmiers chargés de dépister le Covid-19 : «La dictature doit échouer», «Sauvez la Birmanie !» Les médecins ont été les premiers à faire grève, épinglant sur leur poitrine un ruban rouge aux couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d