Coupe au carré, sourire dynamique, tablier autour de la taille et baskets aux pieds, Khaing Mar (1) étend son torchon à vaisselle et vient s’asseoir en face de son patron. C’est la fin de l’après-midi, le café où elle travaille comme extra ferme plus tôt, faute de clients. Son chef lui a proposé de profiter du temps qu’il leur restait pour la préparer à un exercice inédit pour la jeune femme : elle passera bientôt un entretien d’embauche pour un poste de serveuse dans une entreprise de croisière touristique américaine qui l’emmènera loin de Birmanie. «Je n’ai pas assez de clients pour lui offrir un véritable emploi, donc bien sûr qu’elle doit partir, explique son patron, jeune gérant d’un café situé au cœur du quartier populaire de Sanchaung, à Rangoun. Le moins que je puisse faire, c’est l’aider à décrocher le job.»
En plus de ces quelques heures par semaine d’extra, Khaing Mar est employée dans un restaurant de cuisine européenne pour tenter de joindre les deux bouts. La jeune femme de 26 ans avait appris à vivre avec son salaire de 350 000 kyats par mois (170 euros) et son logement de fonction, un petit appartement partagé avec ses collègues. Mais depuis le coup d’Etat, le 1er février 2021, ses ambitions professionnelles se sont envolées. Les Birmans subissent de plein fouet les