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En Corée du Sud, les youtubeurs se prennent pour des justiciers

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Violences sexuellesdossier
Surfant sur le manque de confiance des Sud-Coréens dans leurs institutions judiciaires, des youtubeurs enquêtent sur des affaires criminelles et exposent les suspects. Un business rentable qui fait cependant des victimes collatérales.
A Séoul, en 2018. D’après l’OCDE, seuls 33 % des Sud-Coréens font confiance aux institutions judiciaires. (Jonas Gratzer/LightRocket via Getty Images)
par Arthur Laffargue, correspondant à Séoul
publié le 24 août 2024 à 7h27

Sur leurs chaînes YouTube, des visages s’affichent en gros plan. Ceux des criminels, soi-disant protégés par l’inaction de la police et de la justice. En Corée du Sud, les youtubeurs enquêtant sur des affaires judiciaires se sont multipliés récemment, n’hésitant pas à nommer les accusés et dévoiler leurs informations personnelles pour les livrer à la vindicte populaire.

Ils capitalisent sur le sentiment, largement partagé dans le pays, que la justice est trop laxiste. Seuls 33 % des Sud-Coréens font confiance aux institutions judiciaires, d’après les chiffres de l’OCDE, et 90% des personnes interrogées dans un sondage de 2020 souhaitaient des sanctions plus sévères, notamment pour les cas de violences sexuelles ou d’atteintes sur mineurs.

Une affaire aux faits particulièrement abjects a cristallisé cette tendance. En 2004, une quarantaine de lycéens ont agressé sexuellement et violé à plusieurs reprises une collégienne de 14 ans, ainsi que sa sœur et sa cousine, dans la ville de Miryang, au sud de la péninsule. Les policiers chargés de l’enquête se sont montrés négligents voire insultants, remettant la faute sur les jeunes filles, au point d’être condamnés trois ans plus tard. Quant aux auteurs, tous mineurs à l’époque, ils n’ont pas reçu de sanction pénale et ont pu reprendre le cours de leur vie, après un court passage en centre de détention pour une poignée d’entre eux.

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