L’étau se resserre un peu plus sur le Cachemire. Ce lundi 11 décembre, la Cour suprême indienne a avalisé la décision du gouvernement de Narendra Modi de mettre fin au statut semi-autonome du Jammu-et-Cachemire, seule région à majorité musulmane du pays.
Cette décision, prise en août 2019, avait fait monter d’un cran la tension sur le territoire, théâtre d’un conflit, ouvert ou larvé, depuis la partition de l’Inde, en 1947. A l’époque, l’exécutif avait annoncé l’abrogation, par décret présidentiel, de l’autonomie constitutionnelle de cet Etat situé au nord de l’Inde. Jammu-et-Cachemire, qui bénéficiait d’un statut d’Etat fédéré et de nombreuses prérogatives, avait alors été rétrogradé au statut de «territoire de l’Union», et placé sous la tutelle directe de New Delhi. Un coup de force dénoncé par plusieurs organisations de défense des droits humains. Mais salué par la Cour suprême, qui évoque dans son verdict «un aboutissement du processus d’intégration et, en tant que tel, un exercice valide du pouvoir».
«Construire une Inde plus forte et plus unie»
De son côté, le Premier ministre indien Narendra Modi s’est empressé d’acclamer cette décision, qu’il a qualifiée d’«historique». C’est «une lueur d’espoir, la promesse d’un avenir meilleur et un témoignage de notre détermination collective à construire une Inde plus forte et plus unie», s’est réjoui sur X (anciennement Twitter) le dirigeant nationaliste hindou.
Today's Supreme Court verdict on the abrogation of Article 370 is historic and constitutionally upholds the decision taken by the Parliament of India on 5th August 2019; it is a resounding declaration of hope, progress and unity for our sisters and brothers in Jammu, Kashmir and…
— Narendra Modi (@narendramodi) December 11, 2023
La Cour suprême a également ordonné la tenue d’élections dans le Jammu-et-Cachemire en 2024, estimant que celui-ci devait être mis sur un pied d’égalité avec les autres Etats indiens «au plus tôt et dès que possible», avec un scrutin à organiser d’ici au 30 septembre 2024.
Changement périlleux
Depuis sa création, le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) – celui de Modi –, plaide pour la suppression de l’article 370 de la Constitution. Selon ce dernier, qui confère à Jammu-et-Cachemire son statut d’exception, les lois votées par le Parlement indien ne s’appliquent par au Cachemire, en dehors des domaines de la défense, des affaires étrangères, des finances et des communications.
Avec la suspension de l’article 370, les autorités indiennes ont entraîné un changement radical dans la région, en proie depuis plusieurs décennies à de sanglants mouvements séparatistes. «Aujourd’hui marque le jour le plus noir de la démocratie indienne», avait tweeté en 2019 l’ancienne cheffe de l’exécutif de Jammu-et-Cachemire Mehbooba Mufti. Réagissant ce lundi à la décision de la Cour suprême, l’ex-dirigeante a dénoncé une «condamnation à mort (...) pour le Jammu-et-Cachemire mais aussi pour un certaine idée de l’Inde».
Une «parodie de justice»
De son côté, le Pakistan, qui revendique également la souveraineté sur le Cachemire, n’a pas tardé à réagir. C’est une «parodie de justice», a fustigé le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Jalil Abbas Jilani. «L’Inde n’a pas le droit de prendre de décisions unilatérales sur le statut de ce territoire contesté contre la volonté des Cachemiris et du Pakistan», a-t-il ajouté depuis Islamabad.
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Depuis plus de 70 ans maintenant – soit depuis leur indépendance en 1947 –, les deux pays voisins se disputent la région du Cachemire. Le territoire montagneux a d’ailleurs été la cause de deux des trois guerres qui ont opposé l’Inde et le Pakistan depuis, tandis que Delhi accuse régulièrement Islamabad de soutenir les séparatistes.
Selon le ministre pakistanais des Affaires étrangères, toutes les mesures prises par l’Inde depuis 2019 dans la région ont pour «objectif ultime de faire des Cachemiris une communauté marginalisée sur sa propre terre». En quatre ans, l’insurrection séparatiste a été en grande partie écrasée au Cachemire indien, à coup de répression massive de la part des autorités indiennes. Au total, un peu plus de 120 personnes ont été tuées en 2023, dont les deux tiers sont des insurgés.