C’est un va-et-vient incessant. Une fois débarqués des bateaux de pêche, puis triés par les femmes sur le quai, les poissons sont apportés dans des caisses en plastique sous la halle centrale du marché de gros de poissons de Brondong, sur la côte nord-est de l’île de Java. Cigarette à la bouche, carnet et stylo en main, Arif, 42 ans, assis en tailleur sur un banc de bois au milieu du marché, observe son butin en ce début de matinée. Une dizaine de requins étalés sur le sol, victimes d’une pêche ciblée ou de filets non sélectifs. Sans attendre, son homme de main, Asof, sort son couteau et, d’un geste sec, coupe les précieux attributs : l’aileron et les nageoires latérales. «Je les garde pour mon boss à Surabaya», explique-t-il. En fonction de la taille de l’aileron, il touchera entre 50 euros (pour 30 cm) et 470 euros (pour 55 cm). Ils seront ensuite congelés ou séchés puis exportés en Chine, à Hongkong ou à Taiwan. La viande du prédateur, elle, s’échange à moins d’1 euro le kilo sur les marchés locaux.
Arif est un intermédiaire parmi tant d’autres dans le nébuleux commerce des requins entre les pêcheurs et les exportateurs en Indonésie. Son patron est implanté à Surabaya, dans l’est de Java, la deuxième ville du pays dont le port est l’interface principale pour tout l’est de l’Indonésie. «Il travaille aussi avec des intermédiaires en Sulawesi, en Papouasie, à Kalimantan, explique Arif. Mais pour tout l’est de Java, il ne travaille qu’avec moi.» Quelques m