Après deux semaines passées en mer, au milieu des cris et des pleurs, certains se sont évanouis d’épuisement en descendant du rafiot. Dans la nuit du mardi 21 novembre, plus de 200 réfugiés rohingyas sont arrivés par bateau dans la province d’Aceh en Indonésie. Face à l’hostilité de la population locale, le groupe a été transporté vers un centre d’hébergement temporaire désigné par le gouvernement national.
Généralement venus du Bangladesh ou de Birmanie, cette minorité musulmane tente de fuir les nombreuses persécutions dont elle est victime. Pourtant, de l’autre côté, l’accueil n’est guère plus chaleureux : vendredi 17 novembre, des habitants ont refoulé une embarcation de fortune. Les locaux en colère ont renvoyé à leur errance maritime les 250 Rohingyas suppliant de les laisser entrer, au prétexte que ces réfugiés allaient consommer les ressources déjà limitées sur place. Ce n’est que dimanche que le groupe, exténué, a finalement pu fouler la terre ferme.
Le rejet semble aussi être lié au sentiment que des passeurs utiliseraient l’Indonésie comme pays de transit vers la Malaisie. «Nous en avons assez, car lorsqu’ils arrivent sur la terre ferme, ils sont parfois nombreux à s’enfuir. Des sortes de passeurs les récupèrent. C’est du trafic d’êtres humains», a déclaré vendredi Saiful Afwadi, un chef traditionnel du nord de l’Aceh. En 2020, une enquête menée par l’AFP a révélé un trafic de migrants générant plusieurs millions de dollars. Partants d’un camp de réfugiés au Bangladesh jusqu’en Indonésie et en Malaisie, les membres de la communauté rohingyas y joueraient un rôle clé.
Reprise des combats en Birmanie
Cette minorité essentiellement musulmane est persécutée en Birmanie. Bien qu’installés depuis des générations dans le pays, les Rohingyas sont toujours considérés comme des intrus et n’ont ni la nationalité, ni les mêmes droits que les autres habitants. Pour fuir cette discrimination institutionnalisée, des centaines de réfugiés tentent chaque année d’atteindre, au péril de leurs vies, la Malaisie ou l’Indonésie à bord d’embarcations précaires. En 2022, selon le HCR plus de 2 000 ont tenté le voyage risqué vers l’Asie du Sud-Est, parmi lesquels 200 sont morts ou portés disparus.
Ce mois-ci, «il s’agit de la plus forte vague d’arrivées de Rohingyas en Indonésie depuis 2015», a indiqué Ann Maymann, représentante du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) en Indonésie. Depuis le début du mois de novembre au moins cinq bateaux ont débarqué sur les côtes d’Aceh, avec à bord 1 084 personnes au total.
Cette recrudescence massive d’arrivées en Indonésie peut s’expliquer par une reprise des combats dans l’Etat d’Arakan. Dans cette zone, après un cessez-le-feu informel de douze mois entre l’armée birmane et une alliance de groupe ethniques minoritaires, les affrontements ont recommencé le 27 octobre. Selon l’UNHCR, depuis cette date, 75 civils ont été tués et 200 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Depuis 2016, le conflit a fait des milliers de morts et amené une partie de la population rohingya à fuir le pays. Beaucoup sont partis au Bangladesh : environ un million y vit aujourd’hui dans le camp de Cox Bazar, proche de la frontière birmane. Les autres tentent de rejoindre l’Indonésie notamment.