Le soleil meurt à l’horizon, éclaboussant les «gueules cassées» de la guerre birmane de ses rayons sanglants et chauds. Quatre combattants de l’ethnie karenni (originaire de l’Etat Kayah), évacués du front car grièvement blessés, végètent sur des hamacs tendus entre les pilotis d’une maison de bois. Vivant cachés dans la province de Chiang Mai, en Thaïlande, ces jeunes ont payé cher leur opposition à la junte militaire. Zaw, 26 ans, est à moitié aveugle, défiguré par un tir de mortier. Jimmy, 20 ans, a le corps brûlé après l’explosion d’une mine. Aung Ko, lui, a juste 18 ans. Une montre fluo, un sourire d’ange. Une balle a emporté son œil droit et le reste de sa vie.
«Je n’étais qu’un gosse avant, mais maintenant j’ai grandi, je sais comment survivre», plaisante Myo, le plus bavard du groupe, un ancien étudiant en informatique de 20 ans à la moustache duveteuse. Il montre sa jambe droite rapiécée de fil noir. Une balle lui a traversé le mollet, une autre l’épaule. Pendant cinq heures, il s’est vidé de son sang, terré devant les lignes ennemies, jusqu’à ce que ses camarades reviennent le chercher. Il en rigole : «On ne va pas se plaindre, on n’est pas morts !»
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