C’est le début d’une nouvelle crise politique en Thaïlande. La justice a prononcé ce mercredi 14 août la destitution du Premier ministre Srettha Thavisin. Il était accusé d’avoir enfreint des règles éthiques fixées dans la Constitution de 2017, en nommant comme ministre Pichit Chuenban, un avocat condamné en 2008 à six mois de prison dans une affaire de corruption.
Lors de la lecture de la décision, le juge Punya Udchacon a déclaré que les juges avaient décidé, à cinq votes contre quatre, de «mettre fin» à la fonction de Srettha Thavisin. «Je respecte la décision. Je répète que, pendant presque un an à ce poste, j’ai fait de mon mieux pour diriger le pays avec honnêteté», a réagi le dirigeant, depuis le siège du gouvernement à Bangkok.
Le Parlement a annoncé que les députés thaïlandais se réuniraient dans la matinée de vendredi trouver un successeur à Srettha. La coalition au pouvoir devrait communiquer le nom de son ou sa candidate jeudi.
Instabilité
Promoteur immobilier entré en politique l’an dernier, Srettha Thavisin s’était engagé en faveur du mariage pour tous, adopté en juin après des années de combat de la communauté LGBT +. Mais une majorité de Thaïlandais rejetait sa politique, selon un sondage paru en juin. Ses projets de recriminalisation du cannabis et de distribution de 10 000 bahts (250 euros) à plus de 40 millions de Thaïlandais ont provoqué des remous dans le pays et au sein de sa coalition.
La destitution, moins d’un an après sa nomination, plonge le royaume dans l’inconnu, en l’absence de candidat clair pour sa succession, dans un contexte de stagnation économique et d’inquiétudes pour la démocratie. La deuxième économie d’Asie du Sud-Est, habituée aux crises cycliques, a une longue histoire d’instabilité et d’interventions de l’armée ou de la justice dans le système politique. Elle est aussi marquée par les profondes divisions entre le bloc militaro-royaliste et le mouvement progressiste.
Vieilles rancunes
La décision de la Cour constitutionnelle fait suite à une plainte déposée par 40 sénateurs pro-armée demandant la destitution du Premier ministre, en dépit du départ de Pichit Chuenban du gouvernement. Ses accusations faisaient en réalité écho à des tensions remontant aux années 2000 et 2010, entre le milliardaire Thaksin Shinawatra, dont Srettha et Pichit sont proches, et «l’establishment» militaro-royaliste.
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Si les deux camps gouvernent aujourd’hui ensemble au sein d’une coalition décriée et fragile, leurs vieilles rancunes maintenaient sur un siège éjectable Srettha Thavisin, issu du parti Pheu Thai contrôlé par la famille Shinawatra. Le dirigeant avait bien essayé de se défendre de toute manœuvre illégale, assurant que son ministre avait fait l’objet d’un examen approfondi avant sa nomination. En vain donc.
Le parti Pheu Thai, qui dispose d’une nette majorité au Parlement, doit maintenant lui trouver un successeur. Le nom de Paethongtarn Shinawatra, fille du milliardaire thaïlandais, est régulièrement cité pour prendre un jour le poste.
Bannissement
Il y a tout juste une semaine, les mêmes juges avaient prononcé la dissolution du principal parti d’opposition, Move Forward (MFP), et le bannissement pour dix ans de son leader Pita Limjaroenrat, accusé de vouloir déstabiliser la monarchie. Les membres du parti progressiste ont annoncé dans la foulée la création du Parti du peuple, avec l’objectif d’accéder au pouvoir au prochain scrutin national.
En 2023, une majorité d’électeurs avait voté pour le MFP, qui promettait de tourner la page de vingt ans de domination de la vie politique thaïlandaise par le clan Shinawatra et les généraux. Le programme du parti comprenait notamment une réforme de la loi de lèse-majesté, une nouvelle Constitution, la réduction du budget de l’armée, ou la fin de certains monopoles économiques.
Le parlement a annoncé que les députés thaïlandais se réuniront dans la matinée de vendredi trouver un successeur à Srettha. La coalition au pouvoir devrait communiquer le nom de son ou sa candidate jeudi.
Mise à jour : à 16h11, avec l’annonce de la réunion du Parlement vendredi.