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Everest et compagnie: Sanu Sherpa, le Népalais a conquis… deux fois les 14 sommets les plus hauts du monde

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Ancien porteur et aide de cantine dans les expéditions d’autres alpinistes, le Népalais de 47 ans avait atteint son premier sommet de 8000 mètres, le Cho Oyu, en 2006.
Sanu Sherpa, le 14 août à Katmandou. (Prakash Mathema/AFP)
publié le 14 septembre 2022 à 8h23

«Ce que j’ai fait n’est pas sorcier. Je ne fais que mon boulot.» Guide pour les autres et alpiniste pour lui-même, le Népalais Sanu Sherpa se la joue modeste. Il est pourtant devenu en août le premier à avoir réussi deux fois ce qui constitue normalement l’exploit d’une seule vie : l’ascension des quatorze sommets de plus de 8 000 mètres du monde. Jusqu’alors, seuls 50 grimpeurs ont réussi ces ascensions une fois.

Le mois dernier, ce guide de haute montagne a atteint, pour la deuxième fois dans sa vie, le sommet du Gasherbrum II (8 035 mètres) au Pakistan, pour accompagner un de ses clients, un alpiniste japonais. Il venait d’établir le record historique de la double ascension des 8 000, désignant les quatorze sommets de plus de 8 000 mètres d’altitude, soit les plus hauts au monde, qu’il a désormais déjà gravi au moins deux fois chacun.

Sanu Sherpa, 47 ans, a accompli un exploit salué par le ministre népalais de la Culture et du Tourisme, Jeevan Ram Shrestha, estimant qu’il est «une source d’inspiration pour les alpinistes du monde entier».

Il a commencé sa carrière d’alpiniste comme porteur et aide de cantine dans les expéditions. Il a atteint son premier sommet de 8 000 mètres, le Cho Oyu, en 2006, chaussé de vieilles chaussures de grimpe que lui avait cédées un confrère. Après le Cho Oyu, «un de mes amis étrangers m’a conseillé de tenter les sept sommets restants, plutôt que d’escalader encore et toujours la même montagne», se souvient-il. Je me suis dit alors que je pouvais et devais accomplir la double ascension de la totalité des montagnes» de plus de 8 000 mètres. En 2019, il avait conquis par deux fois la moitié des quatorze plus hauts sommets du monde.

Sanu Sherpa a grandi dans le district de Sankhuwasabha, dans l’est du Népal, où culmine le mont Makalu, cinquième plus haut sommet du monde. Quand nombre de ses camarades partirent gravir des montagnes, le jeune Sanu avait préféré rester dans son village à cultiver des pommes de terre et du maïs et à emmener paître les yaks.

Sept fois à la cime de l’Everest

Mais à trente ans, il a fini par partir. Il est devenu guide de montagne comme les autres, espérant que cette activité subviendrait aux besoins des huit membres de sa famille et aussi à réaliser son simple rêve : «être doté d’équipements de montagne.» A présent, tout juste rentré à Katmandou depuis le Pakistan, Sanu Sherpa se prépare à l’ascension du Manaslu, sommet qu’il a déjà gravi trois fois, pour y conduire un client. «Je peux accomplir la triple ascension» des autres sommets, assure-t-il, avant d’ajouter : «C’est peut-être aussi une question de chance. Il a déjà atteint, à trois reprises, trois des quatorze sommets des 8 000. Il est même parvenu sept fois à la cime de l’Everest.

Ce sont les sherpas qui, depuis toujours, veillent à la logistique et la sécurité et assurent le succès des expéditions que s’offrent ces alpinistes étrangers. L’ascension du «toit du monde» coûte en moyenne à ses clients plus de 45 000 dollars. Longtemps restés dans l’ombre des grimpeurs venus d’ailleurs, les guides de montagne népalais originaires des vallées de l’Everest, constituent le socle de l’industrie de l’alpinisme himalayen. Depuis peu seulement, leurs propres exploits sont peu à peu reconnus. Mais ils paient un lourd tribut, leur profession est dangereuse. Au-delà de 8 000 m, où l’oxygène se raréfie, les alpinistes pénètrent en «zone létale». Chaque année, plus d’une dizaine de grimpeurs meurent sur les 8 000 du Népal. Environ un tiers des morts sur l’Everest sont des guides et des porteurs népalais.

La famille de Sherpa lui dit souvent qu’il en a suffisamment bavé dans les montagnes et qu’il est maintenant temps de raccrocher ses piolets. «Parfois je veux arrêter et parfois je ne le veux pas […] Que faire à part grimper ? il n’y a pas d’autre perspective.»