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Libération
La fête des voisins

Excréments, papier toilette, ordures… la Corée du Nord envoie encore des ballons remplis de déchets à sa voisine du Sud

Corée du Nord, l'escaladedossier
La Corée du Nord a envoyé ce dimanche 2 juin des centaines de nouveaux ballons remplis d’immondices à la Corée du Sud, avec notamment des traces d’excréments. Les deux pays voisins se livrent régulièrement à ces incursions par les airs.
Un ballon qui aurait été envoyé par la Corée du Nord, transportant divers objets, y compris ce qui semble être des déchets, est photographié à Incheon, en Corée du Sud, le 2 juin 2024. (REUTERS)
publié le 29 mai 2024 à 12h36
(mis à jour le 2 juin 2024 à 15h53)

De grands ballons de baudruche blancs qui ne contiennent pas que de l’air. La Corée du Nord a envoyé chez sa voisine du Sud environ 600 nouveaux ballons remplis de déchets samedi 1er juin, récupérés au fur et à mesure qu’ils touchent terre par des hommes en combinaison. Depuis le début de la campagne mardi, quelque 900 ballons ont été lancés, selon l’état-major interarmées sud-coréen. «Nous allons temporairement suspendre la dispersion de déchets de papier au-delà de la frontière», a finalement annoncé Pyongyang ce dimanche.

Mercredi 29 mai, les autorités sud-coréennes ont prévenu les habitants de la frontière avec la Corée du Nord qu’un «raid aérien» était en cours, ordonnant ainsi aux habitants de «s’abstenir de toute activité en plein air», rapporte le journal sud-coréen Hankyoreh. Une incursion étonnante : pas question ici de missiles ou de tirs, mais plutôt de ballons flottant dans les airs, reliés à des sacs-poubelles, et transportant de nombreux déchets, dont du papier toilette et des excréments d’animaux. Des photos de ces menaces aériennes ont été largement partagées par les médias sud-coréens sur les réseaux sociaux.

«Des objets non identifiés, considérés comme des tracts de propagande nord-coréens, ont été identifiés dans la zone frontalière de Gyeonggi-Gangwon», a annoncé l’état-major interarmées sud-coréen (JCS). Les ballons écrasés au sol auraient transporté divers déchets, notamment des bouteilles en plastique, des piles, des pièces de chaussures et ce que l’on pense être du fumier, a-t-il aussi rapporté. Les actions du Nord «violent clairement les lois internationales et menacent sérieusement la sécurité de notre peuple». «Nous appelons le Nord à cesser immédiatement ses actions […] de bas étage», a complété l’état-major interarmées.

Le ministère sud-coréen de l’Unification a averti de contre-mesures si Pyongyang ne cessait pas ces provocations «irrationnelles». La Corée du Sud estime que l’initiative nord-coréenne contrevient à l’accord d’armistice qui a mis fin aux hostilités entre les deux Corées en 1953.

Provocations par ballons interposés

Des indices de cette incursion avaient été avancés il y a quelques jours par le dirigeant nord-coréen. Ce dimanche, Kim Jong-un avait ainsi prévenu que «des monticules de déchets et d’immondices seraient bientôt éparpillés dans les zones frontalières et à l’intérieur» de la Corée du Sud. Son objectif : riposter à la «dispersion fréquente de tracts et d’autres déchets» dans les zones frontalières par des activistes politiques de la Corée du Sud. Ces envois suscitent depuis longtemps l’ire de Pyongyang, possiblement parce qu’il craint qu’un afflux d’informations extérieures dans cette société étroitement contrôlée ne constitue une menace pour le pouvoir en place.

Au début du mois de mai, la Corée du Nord avait alors réagi avec colère aux ballons des militants sud-coréens, qui transportaient également des informations sur la société démocratique du Sud et même des clés USB contenant des vidéos de musique K-pop. Les gouvernements sud-coréens précédents ont cherché à empêcher les militants de mener de telles campagnes, arguant qu’elles ne contribuaient pas à faire avancer la paix et qu’elles mettaient en danger la sécurité des résidents proches de la frontière.

Par le passé, Pyongyang avait déjà envoyé des ballons de propagande de l’autre côté de la frontière, notamment en 2016. La Corée du Nord avait expédié ce que les autorités redoutaient être des substances biochimiques, mais qui s’est avéré être des mégots de cigarettes et du papier hygiénique usagé. Peter Ward, chercheur à l’Institut Sejong interrogé par Reuters, souligne malgré tout que l’envoi de ballons est bien moins risqué qu’une action militaire ouverte. «Ce type de tactique de zone grise est plus difficile à contrer et présente moins de risques d’escalade militaire incontrôlable, même si elle est horrible pour les civils qui sont finalement visés», a-t-il ajouté.

Le Conseil national de sécurité sud-coréen doit se réunir ce dimanche pour décider d’une réponse à donner à ces envois de ballons. Selon l’agence sud-coréenne Yonhap, cela pourrait se traduire par une reprise des diffusions de propagande par haut-parleurs sur la frontière avec la Corée du Nord. «Si Séoul choisit de reprendre les diffusions contre le Nord par haut-parleurs, ce que Pyongyang déteste autant que les ballons anti-Kim, cela pourrait mener à un conflit armé limité dans les zones frontalières», estime Cheong Seong-chang, directeur de la stratégie au Sejong Institute.

Mise à jour à 14 h 50 : avec de nouveaux ballons envoyés samedi 1er juin.