Une décision «très difficile» mais «inévitable». La présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, a pris des pincettes pour annoncer l’allongement du service militaire lors d’une conférence de presse organisée ce mardi après-midi, en présence des plus hautes figures du gouvernement et de plusieurs députés de la majorité. Actuellement d’une durée de quatre mois, le service militaire passera, selon ce nouveau schéma, à douze mois dès janvier 2024, pour tous les jeunes hommes taïwanais nés à partir de 2005. Le salaire annuel des conscrits sera multiplié par quatre et le contenu de la formation renforcé, a annoncé la présidente.
Mesure jusqu’alors impopulaire, l’allongement du service militaire est revenu sur le devant de la scène après l’invasion russe en Ukraine, qui a fait office d’électrochoc parmi les Taïwanais. Inquiets face aux menaces d’invasion répétées par Pékin, ils seraient désormais 65 % à soutenir la réforme, alors que 95 % de la population est opposée à une annexion chinoise.
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Pour justifier sa décision, Tsai Ing-wen a commencé son discours en louant le succès de la défense ukrainienne, qui «tient» toujours après plus de trois cents jours de combat. En miroir, elle a dénoncé la pression militaire grandissante de Pékin, citant notamment les exercices conduits par l’armée chinoise après la visite à Taiwan de la présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Nancy Pelosi, en août. «Notre système militaire actuel est insuffisant pour faire face à la montée de la menace militaire chinoise, en particulier si la Chine décide de lancer une attaque éclair, a alerté la dirigeante. Ce n’est qu’en renforçant notre défense que nous éviterons de devenir un champ de bataille.»
Archipel démocratique et indépendant de fait, revendiqué par Pékin depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949, Taiwan peut compter sur une armée professionnelle de 200 000 soldats et sur les armes modernes fournies par son partenaire américain. Mais face à la montée en puissance de l’armée chinoise, la mise en place d’une défense dite «asymétrique» – du faible au fort – est devenue le principal objectif du gouvernement, avec l’espoir de dissuader Pékin de franchir le Rubicon. Pour éviter les dégâts politiques à un an du scrutin présidentiel, le Parti démocrate-progressiste entend désormais faire adopter les détails de ce plan par le Parlement. La stratégie est habile : elle permettra de tester la position du principal parti d’opposition, le Parti nationaliste chinois. Plus conciliant face à la Chine, c’est lui qui avait diminué la durée du service militaire lors de son accession à la présidence entre 2008 et 2016.