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Libération
Reportage

Fukushima : autour de la centrale, la vie suspendue

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Accident nucléaire de Fukushimadossier
Reconstructions partielles, retours et travail limités, risques de radiation, la population de la région du Tohoku peine à envisager l’avenir dix ans après la catastrophe à la centrale qui avait déplacé près de 160 000 personnes.
Des maisons abandonnées depuis dix ans, sur la commune d'Okuma. (Eric Rechsteiner/Libération)
par Karyn Nishimura, correspondante à Tokyo
publié le 10 mars 2021 à 20h52

Les vêtements sont accrochés aux cintres, les sacs à main pendus au mur, les chaussures en vrac à même le sol. Ce magasin de mode bon marché n’a pas vu un client depuis dix ans. Sa devanture éventrée dit tout de l’état du centre de Futaba, une des deux localités qui hébergent l’immense centrale nucléaire Fukushima Daiichi. Le 11 mars 2011, ce complexe à six réacteurs, un des plus imposants du monde, était saccagé par le séisme de magnitude 9 et le tsunami de plusieurs dizaines de mètres qui allaient ancrer cette date dans l’histoire mondiale.

La pendule de la caserne des pompiers s’est arrêtée à 14h46, instant des violentes secousses. Le rideau coulissant bloqué faute d’électricité a été défoncé volontairement pour faire sortir les camions. Les statues de personnages de livres d’enfants restées devant la crèche Madoka fichent le cafard. Les tennis des petits sont encore dans les casiers à l’entrée. Des bruits s’échappent parfois de demeures en lambeaux dont un pan de mur ou de toit est secoué par le vent. Plus personne n’habite ici. Ils étaient 7 000 à vivre là, avant le 11 mars.

Les voitures de la municipalité, d’une société de sécurité privée ou de police en patrouille viennent interroger les rares individus de passage, les rappeler à l’ordre : «N’entrez pas dans les maisons, ne passez pas derrière les barrières.» L’accès est limité. Il y aurait eu des vols. Mais que voler ici ? Tout dans ces maisons et commerces abandonnés à la hâte le 11 mars 2011 y est sale, pourri