La Chine promet de se battre «jusqu’au bout» si le bras de fer commercial avec les Etats-Unis devait se poursuivre. Dixit le ministre chinois du Commerce, alors que des milliers de délégués venus de tout le pays sont réunis cette semaine à Pékin. Car, hasard du calendrier, le conclave annuel du Parti communiste survient pile quand le président américain intensifie son offensive tarifaire contre les produits chinois, et que le pays lance sa première contre-attaque.
En un mois, en plus des tarifs sur les produits canadiens et mexicains, la Maison blanche a imposé deux séries de hausse de droits de douane de 10 % sur les exportations chinoises : après une première salve en février, le président américain a signé un nouveau décret lundi 3 mars. Concrètement, les droits de douane additionnels sur l’ensemble des produits chinois vendus aux Etats-Unis sont portés à 20 %. Trump l’a justifié par «l’incapacité» de la Chine «à combattre le flot de fentanyl se déversant dans notre pays».
Riposte douanière
Cette offensive américaine permet à Pékin de jouer les donneurs de leçons économiques et de se poser en garant de la stabilité globale. Le nouvel acte de la guerre commerciale «perturbe» l’économie mondiale, a ainsi dénoncé jeudi 6 mars le ministre chinois du Commerce, Wang Wentao, lors d’une conférence de presse. Il trouble «la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement mondiales, freinant ainsi le développement de l’économie mondiale». Les taxes américaines devraient avoir des répercussions sur des centaines de milliards d’euros d’échanges commerciaux entre les deux plus grandes économies mondiales.
Au-delà de ces déclarations belliqueuses, l’Etat-parti chinois a déjà répliqué. Dernière annonce en date : des taxes allant jusqu’à 15 % sur une gamme de produits agricoles américains, à partir du lundi 10 mars. 15 % pour le poulet, blé, maïs et le coton américains ; 10 % pour le soja, le sorgho, le porc, le bœuf et les produits laitiers, entre autres produits agricoles en provenance des Etats-Unis. La valeur de ces hausses s’élève à 21 milliards de dollars, selon le ministère chinois des Finances.
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Cette riposte douanière est moins large que les taxes imposées à Pékin par l’administration Trump, qui visent l’ensemble des produits chinois. Lynn Song, économiste pour la Chine continentale chez ING, y voit une «réponse relativement modérée» : «La riposte aurait pu être beaucoup plus forte, mais avec chaque nouvelle escalade, le risque d’une réponse plus forte [de la part des Etats-Unis] augmente également», analyse-t-il.
En février, Pékin avait déjà visé les importations de charbon, de gaz naturel liquéfié, de pétrole américain et de plusieurs autres catégories de machines et de véhicules venant des Etats-Unis. Le pays a aussi lancé une enquête antimonopole contre Google. Mardi, le ministère chinois du Commerce a placé 25 entreprises américaines sous des restrictions d’exportation et d’investissement pour des raisons de sécurité nationale.
Objectif ambitieux de 5 % de croissance
Cette «incertitude de l’environnement extérieur» croissante, selon la formule du président de la Commission chinoise du développement et la réforme, n’a pas empêché les autorités d’annoncer mercredi un objectif de croissance d’environ 5 % pour 2025. Vu le contexte international, la demande intérieure sera une «force motrice». L’objectif n’en reste pas moins ambitieux, estiment nombre d’experts, alors que les exportations – fragilisées donc par le bras de fer américain – sont le pilier de la croissance économique chinoise.
Pour faire face aux nouveaux défis, le ministre des Finances a aussi annoncé une augmentation des dépenses budgétaires et une réduction de ses taux d’intérêts «en fonction de la situation économique et financière». En marge de la cérémonie d’ouverture de mercredi, les autorités ont annoncé que le budget de la Défense chinoise augmenterait de 7,2 % en 2025 – dans la lignée de sa trajectoire entamée depuis plusieurs décennies, pour renforcer sa projection militaire en Asie-Pacifique.
Les autorités chinoises veulent se montrer confiantes sur leurs prévisions de croissance, mais la guerre économique s’inscrit dans un contexte déjà fragile. Le géant asiatique peine à assurer pleinement sa relance depuis la pandémie, lesté par une crise du secteur immobilier, une consommation atone et un taux de chômage élevé chez les jeunes.