Stupeur et indignation. Ce mercredi, le comité de soutien à Fariba Abdelkha dénonce des agissements «cyniques» du pouvoir iranien. Retenue en Iran depuis 2019 et placée en résidence surveillée en 2020, l’universitaire spécialiste du chiisme au Ceri de Sciences Po Paris a de nouveau été incarcérée à Téhéran. Le pouvoir iranien utiliserait le cas de l’universitaire «selon des fins extérieures ou intérieures qui demeurent opaques», ajoute le communiqué du comité.
Arrêtée le 5 juin 2019, l’anthropologue franco iranienne avait été condamnée par la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran : cinq ans de prison pour «collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale», un an pour «propagande contre le système» politique de la République islamique. Seule la plus lourde des deux peines devait être effectuée. Son avocat, Saeed Dehghan avait annoncé qu’il ferait appel (la peine ne peut pas être alourdie en deuxième instance). Depuis octobre 2020, elle était aux arrêts domiciliaires.
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Ce revirement survient alors que l’Iran et plusieurs pays (France, Royaume-Uni, Allemagne, Russie, Chine, plus les Etats-Unis de manière indirecte) ont relancé en novembre les pourparlers pour sauver l’accord de 2015 («JCPOA»), censé empêcher Téhéran de se doter de l’arme atomique, un dossier particulièrement brûlant et scruté dans toute la région. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a estimé mardi que les négociations étaient «trop lentes», semblant diminuer l’optimisme qu’il avait exprimé quelques jours plus tôt. Les pourparlers visent à faire revenir dans le pacte Washington, qui l’a quitté en 2018, et de ramener Téhéran au respect de ses engagements, rompus en réaction au rétablissement des sanctions américaines.
Mercredi soir le quai d’Orsay a réagi à la réincarcération de l’universitaire en indiquant que cette décision de Téhéran va «réduire la confiance» entre l’Iran et la France, actuellement en pleine négociation sur le nucléaire iranien. «La décision de sa réincarcération, que nous condamnons, ne peut qu’avoir des conséquences négatives sur la relation entre la France et l’Iran et réduire la confiance entre nos deux pays», a déclaré dans un communiqué le ministère des Affaires étrangères, exigeant la «libération immédiate» de l’anthropologue.
La confiance entre la France et l’Iran «réduite»
«Alors que la pandémie de Covid continue de battre son plein le gouvernement iranien met délibérément en danger la santé et même la vie de Fariba Adelkhah - la mort en détention du poète et réalisateur Baktash Abtin, samedi dernier, ayant démontré son incapacité ou son mauvais vouloir à garantir la sécurité de ses détenus», a dénoncé le comité de soutien de Fariba Adelkhah. Le poète, cinéaste et dissident iranien Baktash Abtin est décédé en prison après y avoir contracté le Covid-19, ont révélé samedi dernier plusieurs organisations de défense des droits humains, accusant Téhéran d’être responsable de ce décès.
L’Iran détient actuellement plusieurs ressortissants binationaux et un autre citoyen français, Benjamin Brière. Ils sont parfois accusés d’espionnage. Au cours des dernières années, la République islamique a procédé à plusieurs échanges de détenus avec des pays étrangers. Cette annonce concernant Fariba Adelkhah survient le même jour que celle du British Council, organisme de promotion de la culture britannique à l’étranger, sur le retour au Royaume-Uni de l’une de ses employées, Aras Amiri, après son acquittement en Iran où elle avait été condamnée en 2019 pour espionnage.