Une agricultrice arrache une coque sèche de la tige d’une plante, puis la casse dans la paume de sa main, libérant des dizaines de petites graines marron. Il s’agit de billes d’opium pures récupérées pour être transformées en héroïne dans des usines clandestines disséminées entre la ville assiégée de Moe Bye (Etat Shan) et celle, sous contrôle rebelle, de Demoso (Etat Kayah).
Des tirs d’artillerie résonnent au loin et recouvrent le concert des bruits de criquets. Imperturbables, la jeune femme et sa nièce continuent de slalomer entre les plants de pavot, lointains cousins de nos coquelicots. Elles travaillent en faisant fi des bombardements qui sont devenus quotidiens depuis le début de la guerre, il y a quatre ans.
Polaire rose
Lin Twee vient de souffler ses 36 bougies, mais elle n’a pas vraiment le cœur à la fête. Chaque jour, elle travaille dans ces champs qui s’étalent à perte de vue, discrètement enclavés entre des montagnes. Equipée de gants en laine, malgré une chaleur écrasante, elle récolte des graines de pavot qu’elle jette machinalement dans un sac en osier porté en bandoulière. «Nous sommes à la fin