C’est un «petit coup de pouce», résume un responsable du gouvernement de Tokyo. Face à l’effondrement du nombre de naissances, qui devient «critique» au Japon, la mairie de la capitale a pris une décision insolite : lancer cet été sa propre application de rencontre, afin de promouvoir le mariage et enrayer le déclin démographique.
Pour éviter tout problème, le gouvernement métropolitain met l’accent sur la rigueur. Pour s’inscrire, les personnes devront fournir des documents prouvant qu’ils sont célibataires sur le plan légal, et signer une lettre attestant qu’ils cherchent une âme sœur pour se marier. Un avis d’imposition sera aussi requis pour prouver ses revenus annuels – une exigence courante sur les applications de rencontres japonaises. «Les utilisateurs devront également saisir 15 éléments d’informations personnelles, notamment la taille, la formation et la profession, qui seront divulguées aux correspondances potentielles», complète le quotidien japonais Asahi Shimbun.
Un outil qui divise
S’il n’est pas rare dans l’archipel que des mairies organisent des événements de rencontres matrimoniales, peu d’entre elles avaient lancé leur propre application en ligne. «Nous avons appris que 70 % des gens qui souhaitent se marier ne participent pas à des événements (de rencontres matrimoniales, NDLR) ou ne sont pas sur des applications de recherche d’un partenaire», a justifié auprès de l’AFP l’un des responsables du gouvernement de Tokyo, qui est aussi en charge de la nouvelle application.
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Actuellement en phase de test, l’outil a suscité de nombreux commentaires négatifs sur les réseaux sociaux japonais. «Est-ce que le gouvernement devrait faire ça avec nos impôts ?» s’est par exemple interrogé un internaute. D’autres habitants se sont au contraire dits intéressés, estimant qu’ils se sentiraient plus en sécurité avec cette application officielle. Selon Asahi Shimbun, qui cite une enquête réalisée en 2021, 60 % des utilisateurs d’applications de rencontres auraient signalé de fausses déclarations sur leur état civil, de faux profils ainsi que d’autres problèmes liés aux correspondances potentielles.
Si l’initiative paraît étonnante, elle s’explique par des chiffres de plus en plus préoccupants. Dans le pays, le nombre de naissances a baissé pour la huitième année consécutive en 2023, alors que le nombre de décès a été environ deux fois supérieur à celui des naissances. L’année dernière, le taux national de fécondité était de 1,2 enfant par femme en moyenne, selon des chiffres publiés par le ministère japonais de la Santé, soit le niveau le plus bas depuis le début de ces statistiques en 1947.
Déclin du taux de mariages
«La situation est critique» a commenté auprès de l’AFP une responsable du ministère. «Divers facteurs, comme l’instabilité économique et les difficultés à jongler entre le travail et la vie familiale» peuvent expliquer ces chiffres constamment en berne, a-t-elle ajouté. Au Japon, un autre facteur clé de la chute de la natalité est le déclin du taux de mariages, les naissances hors union légale demeurant très faibles – autour de 2 % selon un rapport de l’OCDE publié début 2024.
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Mercredi 5 juin, la Chambre haute du parlement japonais a adopté une nouvelle loi pour augmenter les allocations familiales, conformément à la volonté du Premier ministre Fumio Kishida d’intensifier les efforts pour enrayer le déclin démographique. Quelques initiatives privées ont aussi été adoptées, à l’image d’entreprises interdisant à leurs employés de faire de longues heures supplémentaires ou encore de travailler de nuit. Jusqu’à présent toutefois, tous les gouvernements de l’archipel ont échoué à inverser la tendance, alors que le pays limite son recours à l’immigration.
Au Japon – qui a la population la plus âgée du monde, après la principauté de Monaco –, la situation pose de plus en plus problème. Le faible taux de natalité provoque des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs d’activité, et remet en question la pérennité à long terme des systèmes publics de santé, d’assurance-maladie et de retraites. Selon le journal Asahi Shimbun, c’est d’ailleurs à Tokyo que le taux de célibataires parmi les plus de 50 ans est le plus élevé – 32 % pour les hommes et 24 % pour les femmes.