Un acte «vraiment cruel et inhumain». Pour avoir déclenché l’incendie mortel du studio Kyoto Animation le 18 juillet 2019, Shinji Aoba a été condamné à mort jeudi 24 janvier. «Le fait que 36 personnes soient mortes est extrêmement grave et tragique» et les victimes «ont dû endurer la peur et l’angoisse avant de mourir», a martelé le président du tribunal de Kyoto. Le studio ravagé par les flammes «s’est immédiatement transformé en un enfer», a-t-il poursuivi.
D’après plusieurs témoignages, l’homme de 45 ans avait fait irruption ce jour-là dans le bâtiment de la mégalopole située dans le centre du Japon. Puis, il avait répandu de l’essence avant d’y mettre le feu, tout en criant : «Vous allez mourir». La plupart des victimes étaient de jeunes employés de Kyoto Animation, surnommé «KyoAni». Plus de 30 autres personnes ont été blessées dans le sinistre. Ce drame avait provoqué une immense vague d’émotion et d’indignation dans le pays et à l’étranger.
«Je ne pensais pas qu’autant de gens allaient mourir et je pense maintenant être allé trop loin», avait déclaré l’accusé au premier jour de son procès, en septembre dernier. «Je pense que je dois payer pour mon crime avec [cette peine]», avait-il aussi estimé durant une audience en décembre, lorsqu’il avait été interrogé sur le souhait des familles des victimes de le voir condamné à mort.
Récit
Selon ses dires, Shinji Aoba voulait se venger de KyoAni parce qu’il était persuadé que l’entreprise lui avait volé une idée de scénario. Une allégation fermement rejetée par le studio. Une rancune qualifiée de «délirante» par les procureurs. Shinji Aoba faisait face à cinq chefs d’accusation, incluant ceux de meurtre, tentative de meurtre et incendie criminel. Le mois dernier, le parquet avait requis la peine capitale à son encontre.
Shinji Aoba lui-même avait été gravement brûlé dans le sinistre. Ses blessures ont nécessité de multiples opérations chirurgicales si bien qu’il a été forcé de comparaître en fauteuil roulant. Ses avocats avaient plaidé non-coupable en arguant qu’il n’avait pas eu «la capacité de faire la distinction entre le bien et le mal» en raison de troubles psychiatriques. Mais ce jeudi, les juges ont estimé que Aoba n’était pas atteint de démence et ne souffrait pas non plus d’une diminution de ses capacités mentales au moment du crime.
A l’instar des Etats-Unis ou de l’Inde, le Japon fait partie des démocraties continuant à appliquer la peine de mort. Dans l’archipel, les exécutions s’y font par pendaison. Malgré les critiques à l’étranger, l’opinion publique nippone reste majoritairement favorable à la peine capitale. La dernière exécution dans le pays remonte à 2022.
«Chagrin»
Fondé en 1981, le studio Kyoto Animation a produit des dessins animés souvent inspirés de mangas, dont «Lucky Star», «La Mélancolie de Haruhi Suzumiya», «K-ON !» ou le film d’animation «Violet Evergarden», encore en travail au moment de l’incendie et qui avait fini par sortir en 2020 au Japon. Ce studio, réputé pour le raffinement de sa production, est resté attaché à son implantation dans l’ancienne capitale impériale du Japon, Kyoto, alors que la plupart des studios d’animation nippons sont basés à Tokyo.
La condamnation de Shinji Aoba «ne change rien à notre chagrin», a déclaré dans un communiqué le président de KyoAni, Hideaki Hatta. Avant d’ajouter : «La pensée de tous nos employés qui ont péri et de la peine ressentie par les autres victimes de l’attaque et leurs proches me brisent le cœur».