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Escalade

La Corée du Nord tire une vingtaine de missiles, le Sud dénonce une «invasion territoriale» et riposte

Corée du Nord, l'escaladedossier
Après des frictions aériennes puis navales ces dernières semaines, les deux Corées se livrent ce mercredi matin à des échanges de tirs de missiles. La Corée du Nord a aussi effectué une centaine de tirs d’artillerie vers une «zone tampon».
La télévision sud-coréen diffusait ce mercredi matin des images d'un tir de missile nord-coréen. (Jung Yeon-Je/AFP)
publié le 2 novembre 2022 à 7h19
(mis à jour le 2 novembre 2022 à 11h22)

«C’est la première fois depuis la division de la péninsule» à l’issue de la guerre de Corée en 1953 qu’un missile nord-coréen est tombé si proche des eaux territoriales du Sud, selon Séoul. Ce mercredi matin, un missile balistique de courte portée tiré par la Corée du Nord a franchi la Ligne de limite du Nord, qui constitue de fait la frontière maritime entre les deux pays.

Le missile tombé au plus proche de la Corée du Sud a amerri dans des eaux situées à seulement 57 kilomètres (35 miles) à l’est de la Corée du Sud continentale, a indiqué l’armée de Séoul, qui a qualifié de «très rare et intolérable» le tir de Pyongyang. Ce missile a provoqué une rare alerte au raid aérien demandant aux habitants de l’île sud-coréenne d’Ulleungdo de se réfugier dans des abris souterrains.

L’état-major interarmées sud-coréen a initialement affirmé avoir identifié un tir de trois missiles balistiques de courte portée. Mais depuis, heure après heure, la Corée du Sud ne cesse de dénoncer de nouveaux tirs et le bilan n’en finit pas d'augmenter. A 11 heures ce mercredi, les autorités sud-coréennes dénombraient au moins 23 tirs dont six de missiles sol-air. De plus, «la Corée du Nord a effectué environ 100 tirs d’artillerie depuis Kosong», ville du Kangwon (Sud), dans la «zone tampon» au nord de la ligne de démarcation qui constitue de fait la frontière maritime entre les deux pays, a précisé l’état-major interarmées de Séoul.

Yoon Seok-youl, le président sud-coréen, a «souligné que la provocation nord-coréenne est une invasion territoriale de fait», dans un communiqué. «Nous déclarons que notre armée répondra de manière décisive à cela», a ajouté le pays. Le président a convoqué une réunion du Conseil national de sécurité au sujet de ce lancement, qui, selon les analystes, est l’un des plus «agressifs et menaçants» depuis plusieurs années. Le président sud-coréen a en outre ordonné des mesures «rapides et sévères afin que les provocations de la Corée du Nord paient un prix fort». Des navires des deux Corées s’étaient échangé des tirs de semonce fin octobre, après quelques jours plus tôt le survol d’avions nord-coréens d’une zone proche de la frontière.

Exercice «Tempête vigilante»

Séoul et Washington organisent actuellement le plus grand exercice aérien conjoint de leur histoire, baptisé «Tempête vigilante» (Vigilant Storm), auquel participent des centaines d’avions de guerre des deux armées. Pak Jong Chon, maréchal et secrétaire du Parti des travailleurs au pouvoir en Corée du Nord, a qualifié ces exercices d’agressifs et provoquants, selon un rapport publié ce mercredi par la presse officielle nord-coréenne. Selon lui, le nom de ces manœuvres fait écho à l’opération «Tempête du désert», nom donné aux opérations militaires de la coalition conduite par les Etats-Unis contre l’Irak en 1990 et 1991 après l’invasion du Koweït.

«Si les Etats-Unis et la Corée du Sud tentent d’utiliser leurs forces armées contre la (République populaire démocratique de Corée) sans crainte, les moyens spéciaux des forces armées de la RPDC accompliront leur mission stratégique sans délai», a déclaré Pak Jong Chon, selon l’agence d’Etat KCNA. «Les Etats-Unis et la Corée du Sud devront faire face à une terrible affaire et payer le prix le plus horrible de l’histoire», a-t-il ajout.

Les missiles tirés mercredi par la Corée du Nord constituent «la plus agressive et menaçante démonstration (de force) contre le Sud depuis 2010», a estimé Cheong Seong-chang, chercheur à l’institut Sejong. «Il s’agit d’une situation dangereuse et instable qui pourrait mener à des [affrontements] armés», a-t-il ajouté. En mars 2010, un sous-marin nord-coréen avait torpillé une corvette sud-coréenne, le Cheonan, tuant 46 marins dont 16 effectuaient leur service militaire obligatoire. En novembre de la même année, le Nord avait bombardé une île frontalière sud-coréenne, causant la mort de deux jeunes soldats.

Ce tir mercredi de missiles nord-coréens survient après une série de lancements, notamment de ce que le Nord a qualifié d’exercices nucléaires tactiques. Washington et Séoul avertissent de manière répétée que Pyongyang pourrait effectuer un nouvel essai nucléaire, qui constituerait le 7e de son histoire.

«Aussi longtemps que je me souvienne, la Corée du Nord n’a jamais procédé à une telle provocation lorsque la Corée du Sud et les Etats-Unis menaient des manœuvres conjointes», a décrit Park Won-gon, professeur à l’université Ewha. «Pyongyang semble avoir achevé sa plus puissante [mesure de] dissuasion. C’est une grave menace. Le Nord semble confiant dans ses capacités nucléaires.»

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