Retour aux fondamentaux. Malgré les appels au dialogue et à la paix intercoréenne prônés par le Sud, les pénuries alimentaires et la crise économique liée au Covid qu’elle traverse depuis de longs mois, la Corée du Nord a tiré un missile balistique mercredi matin. C’est le premier essai de cette année et un nouveau test après celui expédié depuis un sous-marin en octobre qui avait parcouru près de 600 kilomètres. Selon les chefs d’état-major interarmées (JCS) du Sud, Pyongyang a tiré un engin vers l’est, à 8 h 10, depuis la province septentrionale de Jagang, la région où le Nord avait testé ce qu’il avait présenté être un missile hypersonique (Hwasong-8), en septembre dernier. Au Japon, le ministre de la Défense, Nobuo Kishi, a précisé que l’engin avait volé sur environ 500 km avant de s’abîmer à l’extérieur de la zone économique exclusive de l’archipel.
Ce lancement coïncide avec la cérémonie d’inauguration – présidée par le chef de l’Etat du Sud Moon Jae-in – de construction d’une liaison ferroviaire dans la province de Gangwon (est), basée sur la déclaration de Panmunjom par Moon et Kim Jong-un en avril 2018. «Nous ne devons pas abandonner l’espoir d’un dialogue pour surmonter fondamentalement cette situation», a déclaré le président de la Corée du Sud lors de la pose de la première pierre de la voie ferrée ferroviaire qui doit relier le Sud et le Nord. «Si les deux Corées travaillent ensemble et construisent la confiance, la paix sera atteinte un jour», a poursuivi Moon qui, malgré son activisme tous azimuts depuis cinq ans et quelques réalisations, quitte la Maison Bleue en mai prochain avec d’infimes espoirs de parvenir à de nouvelles grandes avancées avec Kim d’ici son départ.
«Fidèles et obéissants»
Le Nord n’entend nullement mettre un frein à la construction de ses capacités militaires, assurance-vie du régime. Kim Jong-un, qui a célébré en décembre les dix ans de son règne à la tête de la Corée du Nord, l’a d’ailleurs rappelé durant une réunion du Parti du travail, fin décembre. «L’environnement militaire de la péninsule coréenne et la tendance à l’instabilité de la situation internationale jour après jour exigent que le renforcement des capacités de défense de l’Etat soit poursuivi sans délai», a déclaré Kim selon l’agence officielle Korean Central News Agency (KCNA). Il a ainsi ordonné la production d’armements efficaces et modernes et a demandé aux militaires de rester «fidèles et obéissants» au parti au pouvoir.
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L’année dernière, Pyongyang a multiplié les tests et les essais d’armes de plus en plus puissantes. Outre l’engin lancé depuis un sous-marin en octobre, qui constitue une avancée technique et politique puisqu’il semblait être aussi une réponse à un tir identique mené par le Sud en septembre, l’armée nord-coréenne a lancé des missiles de croisière à longue portée (1 500 kilomètres selon KCNA) capable d’envoyer une bombe au Japon. Elle a procédé à un tir d’une arme depuis un train, puis à un engin supersonique. Toutes ces armes sont censées représenter un progrès dans les efforts déployés par Pyongyang pour déjouer les défenses antimissiles.
Kim Jong-un a mis en scène ces avancées en 2021. En octobre, lors d’un très rare salon de la défense à Pyongyang, le leader nord-coréen avait assuré vouloir «sauvegarder résolument la paix» avant de présenter une série d’armes développées depuis cinq ans, dont les missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) et sous-marin (SLBM). Il y a un an, déjà, alors que Joe Biden arrivait à la Maison Blanche, Kim avait listé les armes nucléaires tactiques développées par son armée, lors d’un congrès du Parti.
Boîte noire inaccessible
Depuis 2017 et l’échange bouillant de menaces verbales entre Kim et Trump, la Corée du Nord n’a plus testé d’ICBM, qui lui avait alors valu de nouvelles sanctions et des condamnations tous azimuts. Les relations Pyongyang-Washington sont au point mort depuis l’échec du sommet de Hanoï en février 2019. Les dernières discussions de travail remontent à octobre de cette année-là. Mais l’administration américaine n’est pas parvenue à obtenir la dénucléarisation «complète, vérifiable et irréversible» prévue lors du sommet historique de Singapour en juin 2018 entre Kim et Trump. Mais la Corée du Nord reste une boîte noire inaccessible.
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Après avoir procédé à un réexamen de la politique américaine envers la Corée du Nord, l’équipe Biden a déclaré qu’elle ne nourrissait aucune intention hostile à l’égard de Pyongyang. Elle s’est même dite prête à rencontrer des dirigeants nord-coréens sans condition, avec pour objectif «la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne». Mais Kim n’a pas répondu aux offres de dialogue, préférant douter des réelles intentions de Washington qui a repris des exercices militaires conjoints avec Séoul, juste aux portes de la Corée du Nord. Avant d’édicter de nouvelles sanctions, à la mi-décembre, en réaction aux violations des droits de l’homme. Bref, le retour de la zizanie.