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Libération
Reportage

La Corée du Sud commence à faire la lumière sur «l’exportation de masse» d’enfants adoptés

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Fin mars, une agence gouvernementale sud-coréenne a confirmé la violation des droits fondamentaux d’une soixantaine de personnes adoptées dans des pays occidentaux. La conclusion d’une enquête de deux ans et demi, et le début d’une reconnaissance de ce chapitre sombre de l’histoire du pays qui concerne plus de 200 000 jeunes.
Kim Yooree, Coréenne envoyée en France en 1984 dans le cadre d'un trafic d'adoption, à Séoul le 5 mai. (Tim Franco/Inland pour Libération)
par Arthur Laffargue, correspondant à Séoul
publié le 22 mai 2025 à 17h45

Ce qui frappe d’abord chez Kim Yooree, c’est sa mémoire. Elle se souvient de tous les visages, de tous les noms des protagonistes du récit cauchemardesque de son adoption en France, à 11 ans. La nourrice «tortionnaire» de son orphelinat en Corée du Sud, l’employée de l’agence d’adoption venue la photographier ou encore l’assistant social de Rodez qui l’a aidée à fuir sa famille d’accueil, à 17 ans. Elle se souvient surtout de sa première rencontre avec ses parents adoptifs, juste après l’atterrissage à Roissy, en 1984. «Il avait 51 ans et elle 46. Leur vieillesse m’a frappée. Et lui, il m’a dévisagée… Aucun homme ne m’avait regardée comme ça depuis ma naissance.»

Dès le premier jour dans la maison familiale de Maurs (Cantal), les violences sexuelles commencent. Yooree et son jeune frère doivent rejoindre leur nouveau père dans le lit conjugal. «Il se tourne vers moi, et puis je sens un truc hyper dur sur ma cuisse. Je ne savais pas ce que c’était.» Il la pénètre, elle est pétrifiée. «Quand j’ai vu les gouttes de sang, sur mon slip à pois, je me suis dit : “on saigne quand on est blessé”. Donc on m’a fait quelque chose de mal.»

Kim Yooree n’aurait jamais dû subir cette enfance et cette adolescence traumatisante en France, loin de son pays et de ses proches. Elle et son frère ont été déclarés orphelins en 1983 en vue d’être placés dans une nouvelle famille. Leurs parents étaient pourtant bien vivants, et ils n’ont jamais consenti à l’aba