Nouveau rebondissement dans la descente aux enfers d’Evergrande, numéro 2 de l’immobilier chinois. L’action du groupe a été suspendue ce jeudi matin à la Bourse de Hongkong, au lendemain d’une information de la presse selon laquelle son patron se trouve en résidence surveillée après avoir été interpellé au début du mois. Les échanges d’actions de ses filiales de services immobiliers et de construction de véhicules électriques ont également été interrompus à 9 heures (3 heures à Paris), selon des avis publiés par la place boursière hongkongaise.
Mercredi, l’agence financière Bloomberg, citant des sources anonymes, avait affirmé que le fondateur et patron du groupe surendetté, le milliardaire Xu Jiayin, avait été interpellé au début du mois par les autorités chinoises et se trouve en résidence surveillée. A la mi-septembre, la police de la métropole de Shenzhen avait déclaré avoir arrêté plusieurs employés d’Evergrande. Elle n’avait pas précisé leur nombre ni ce qui leur est reproché. Selon Caixin, un média économique réputé, deux anciens cadres de l’entreprise ont par ailleurs été placés en détention.
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Les cotations d’Evergrande et de plusieurs filiales avaient repris début août à Hongkong après une suspension de plus de quinze mois, faute d’avoir respecté les délais de publication de ses résultats financiers. Le 27 septembre, l’entreprise avait annoncé ne pas être en mesure d’émettre de nouveaux emprunts obligataires car sa filiale, Hengda Real Estate Group, «faisait l’objet d’une enquête», empêchant un plan de restructuration.
328 milliards de dollars de dette
Evergrande, dont les énormes difficultés financières font régulièrement les gros titres depuis plusieurs mois, avait à la fin juin une ardoise colossale estimée à 328 milliards de dollars (307 milliards d’euros). Cette semaine, la branche immobilière de l’entreprise n’a pas été en mesure d’effectuer un paiement important au titre d’une obligation.
Le secteur immobilier en Chine a connu ces dernières décennies une croissance fulgurante, dans un pays où l’achat d’un bien avant même sa construction permettait de financer d’autres projets. Mais l’endettement des groupes a atteint des niveaux tels que les autorités ont décidé d’y mettre le holà à partir de 2020. Depuis, l’accès au crédit s’est considérablement réduit pour ces groupes dont une partie peine désormais à terminer les chantiers, alimentant une crise de confiance des acheteurs potentiels qui plombe les prix.
L’énorme dette d’Evergrande a contribué à l’aggravation de la crise du marché immobilier en Chine, faisant craindre un temps une contagion mondiale. «Si Evergrande n’est que la pointe de l’iceberg et si les risques de contagion se matérialisent, une crise de confiance sur les marchés […] pourrait éclater et conduire à un sévère ralentissement», a estimé Heron Lim, directeur économiste adjoint de Moody’s Analytics, auprès de l’AFP.
Cette crise inédite a gagné ces derniers mois un autre poids lourd du secteur, Country Garden, longtemps réputé solide financièrement. Le groupe avait fin 2022 une dette considérable qu’il estimait à quelque 1 152 milliards de yuans (150 milliards d’euros). Dans un pays où l’immobilier pèse plus du quart du PIB et fait vivre une armée de travailleurs peu qualifiés, elle a également aggravé le ralentissement général de la deuxième économie mondiale.