Après avoir perdu l’aide des Etats-Unis, le Programme alimentaire mondial (PAM) ne pourra plus aider que la moitié des Afghans souffrant de la faim, auxquels il servait déjà depuis des mois des demi-rations faute de fonds. Cela représente un danger direct pour 8 millions de personnes mais surtout 3,1 millions qui se trouvent déjà au dernier palier établi par l’ONU avant la famine.
Quand Washington a annoncé en janvier un gel de ses aides à l’étranger et le démantèlement de l’agence qui les organise, Usaid, accusée sans preuves par Donald Trump de malversations, l’aide alimentaire d’urgence devait être maintenue.
Mais cette semaine, le PAM a rapporté que les Etats-Unis avaient décidé de réduire leur aide alimentaire d’urgence à 14 pays, dont l’Afghanistan – pourtant officiellement selon l’ONU la deuxième plus grande crise humanitaire mondiale derrière le Soudan en guerre. Si cette mesure est mise en œuvre, «c’est une condamnation à mort pour des millions de personnes», assure le PAM, qui avait prévu de soutenir près de deux millions d’Afghans dans les mois à venir.
Dans le pays meurtri par quatre décennies de guerre et englué dans des crises économique, humanitaire et climatique, 10 % des enfants de moins de 5 ans souffrent de carences alimentaires et 45 % accusent des retards de croissance, des taux parmi les plus élevés du monde.
Des tensions dans toute la région, par ricochet
«Avec nos ressources actuelles, à peine 8 millions de personnes recevront une aide cette année», affirme Mutinta Chimuka, la représentante du PAM dans le pays où 15 millions d’Afghans sont actuellement en insécurité alimentaire. «Et ce, uniquement si nous obtenons les versements attendus des autres donateurs», prévient-elle.
A lire aussi
Après son nouveau tour de vis annoncé cette semaine, Washington est rapidement revenu sur les coupes budgétaires prévues pour six pays mais a maintenu celles visant l’Afghanistan, dirigé par les autorités talibanes depuis l’été 2021, après la déroute de la république islamique soutenue par les Etats-Unis. Depuis, aucun pays ne reconnaît leur gouvernement et seule une aide humanitaire d’urgence minimale parvient à Kaboul, tandis que le pays est, de fait, coupé des accords permettant des projets de développement.
Déjà confronté à une baisse de 40 % de son financement cette année à l’échelle mondiale et de multiples coupes budgétaires pour sa branche afghane ces dernières années, le PAM avait dû diviser par deux en 2023 la ration standard de 2 100 kilocalories recommandés par personne et par jour. Si des fonds supplémentaires ne sont pas débloqués, «il est possible que nous devions dire aux gens que nous ne sommes pas en mesure de les soutenir. Comment vont-ils survivre ?» s’interroge Mme Chimuka.
La mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan a exhorté cette semaine les bailleurs internationaux à continuer de soutenir les 22,9 millions d’Afghans ayant besoin d’aide cette année. «Si nous voulons aider le peuple afghan à sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de la souffrance, nous devons continuer à avoir les moyens de répondre aux besoins urgents», a plaidé Indrika Ratwatte, coordinateur de l’action humanitaire de l’ONU dans le pays.
Pour lui, le gel des aides étrangères – car d’autres pays, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont également drastiquement réduit leurs versements – pourrait entraîner une augmentation des migrations et des tensions dans l’ensemble de la région.