Une pratique qui semble venir d’un autre temps. Un nouveau grand baleinier, le Kangei-Maru, est entré en activité au Japon ce mardi 21 mai et a entamé sa mission inaugurale. Le nouveau bateau-usine, dont la construction a coûté 7,5 milliards de yens, soit 44 millions d’euros, prévoit de contribuer avec une flottille à la capture d’environ 200 mammifères d’ici la fin de l’année. Il a quitté mardi son port d’attache de Shimonoseki pour une campagne de plusieurs mois au large du nord-est du Japon, inaugurant une nouvelle ère pour une industrie défendue bec et ongles par le gouvernement nippon.
Le Kangei-Maru – qui peut conditionner et stocker la viande de baleine à son bord –, est le successeur du Nisshin-Maru, mis à la retraite l’an dernier, après plus de trente ans d’activité. Les campagnes de pêche de ce navire dans l’océan Austral ont été régulièrement perturbées par des défenseurs de l’environnement, comme l’ONG Sea Shepherd.
Environnement
Le Japon est l’un des trois derniers pays à chasser la baleine, avec la Norvège et l’Islande. Tokyo chasse actuellement trois espèces différentes : le rorqual de Bryde, la baleine de Minke et le rorqual sei. Le pays affirme que les populations de ces espèces sont «abondantes» et que ses «stricts» quotas de prises assurent largement leur conservation. Le rorqual de Bryde et la baleine de Minke font effectivement l’objet d’une «préoccupation mineure» dans la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Mais le rorqual sei est, lui, considéré comme une espèce «en danger» par cette même organisation. Le Japon a par ailleurs annoncé début mai qu’il envisageait de chasser aussi le rorqual commun, classé comme «vulnérable» par l’UICN, ce qui a ravivé les inquiétudes d’ONG.
Pêche commerciale des baleines interdite depuis 1986
A l’échelle mondiale, la chasse aux baleines à des fins commerciales a été bannie en 1986, en vertu d’un moratoire international. Certaines espèces étaient en effet devenues très menacées. Malgré cette décision, le Japon a continué pendant 30 ans à chasser des baleines, en exploitant une clause d’exception du moratoire autorisant des missions à des fins scientifiques. Derrière cet abattage à but scientifique se cachait en réalité une pratique commerciale, les cétacés se retrouvant souvent sur les étals des poissonniers.
Très critiqué à l’étranger pour cette hypocrisie, le Japon a quitté en 2019 la Commission baleinière internationale (CBI) pour s’affranchir du moratoire. Le pays pêche ainsi de nouveau la baleine ouvertement pour des raisons commerciales, mais en se cantonnant désormais à ses eaux territoriales et sa zone économique exclusive, c’est-à-dire son propre espace maritime, au lieu de les traquer dans l’Antarctique ou ailleurs, comme au temps de ses missions «scientifiques».
Ces cétacés sont chassés depuis des siècles au Japon, qui souligne que cette pratique fait partie intégrante de la culture japonaise et représente une tradition locale qui remonte au moins au XIIe siècle. En outre, le pays assure que cette viande a été une précieuse source de protéines pour la population dans les années de misère qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Mais la consommation de baleines dans le pays a chuté et n’a plus vraiment la cote auprès des Japonais : 2 000 tonnes sont aujourd’hui consommées par an, contre 200 000 dans les années 1960. D’autres viandes sont en effet progressivement devenues plus accessibles, alors que les prises de baleines, sous l’effet des contraintes réglementaires internationales, devenaient plus faibles.