La situation s’enflamme, en Asie centrale, à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan. Dernière menace en date : Islamabad, qui promet ce dimanche 12 octobre «une réponse musclée» à une précédente opération de représailles menée par Kaboul contre ses forces dans la nuit.
«L’Afghanistan joue avec le feu et le sang»
Samedi soir, le ministère taliban de la Défense avait indiqué avoir mené «avec succès» une opération armée «de représailles» contre les forces de sécurité pakistanaises «en réponse à des violations répétées et frappes aériennes sur le territoire afghan par l’armée pakistanaise». Ce dimanche, le gouvernement taliban a surenchéri, affirmant avoir tué 58 soldats pakistanais dans des affrontements frontaliers. Islamabad a par la suite assuré que 23 de ses soldats et 200 côté afghan avaient été tués dans des affrontements.
Déjà l'année dernière
«Il n’y aura aucun compromis sur la défense du Pakistan, et chaque provocation sera suivie d’une réponse musclée et efficace», a ainsi prévenu dimanche le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif dans un communiqué, accusant Kaboul d’abriter des «éléments terroristes».
«L’Afghanistan joue avec le feu et le sang», a aussi mis en garde le ministre de l’Intérieur Mohsin Naqvi, assurant que son voisin recevra «comme l’Inde, une réponse écrasante afin qu’il n’ose plus jeter ne serait-ce qu’un regard hostile sur le Pakistan». Le ministre faisait ici référence à la pire confrontation depuis des décennies avec son voisin indien, survenue en mai et dans laquelle les deux ennemis historiques avaient échangé tirs de missiles, envois de drones et barrages d’artillerie.
Affrontements armés
Islamabad n’a pas confirmé être à l’origine des bombardements sur la capitale afghane Kaboul et dans le sud-est du pays qui ont été lancés jeudi 9 octobre. Mais elle a indiqué samedi soir avoir répliqué à des affrontements armés depuis les provinces afghanes de Kunar, Nangarhar, Paktia, Khost et Helmand, tout le long de la ligne Durand, qui divise les deux pays. L’Afghanistan avait finalement annoncé, autour de minuit heure locale, la fin de son opération.
Au petit matin, deux points de passage clés entre le Pakistan et l’Afghanistan, Torkham et Spin Boldak, où transitent notamment des milliers d’Afghans expulsés ces derniers mois par le Pakistan, étaient fermés, ont indiqué à l’AFP des hauts responsables afghans et pakistanais.
«Le poste-frontière de Torkham a été complètement fermé et le personnel civil à la frontière retiré, afin qu’il n’y ait pas de blessés en cas de nouveaux tirs», a déclaré à l’AFP un haut responsable pakistanais sous couvert d’anonymat indiquant que des troupes paramilitaires supplémentaires ont été déployées.
«Le poste-frontière de Chaman a été fermé pour tous types de passages, douaniers ou humains par le Pakistan», a de son côté indiqué Mohammad Haqmal, responsable du département Information et Culture à la frontière de Spin Boldak, en Afghanistan.
Attaque nocturne
Les relations entre les deux pays sont en dent de scie depuis le retour au pouvoir des talibans afghans à l’été 2021, le Pakistan accusant son voisin «d’abriter» des talibans pakistanais (TTP). Ce mouvement – formé au combat en Afghanistan et qui se revendique de la même idéologie que les talibans afghans – est accusé par Islamabad d’avoir tué des centaines de ses soldats depuis 2021.
Analyse
Plus tôt samedi, le TTP a revendiqué des attaques meurtrières dans le nord-ouest du pays qui ont causé la mort de 23 personnes dont trois civils. Elles ont eu lieu vendredi non loin de la frontière avec l’Afghanistan, dans la province du Khyber Pakhtunkhwa. Pour le Pakistan, ce sont les talibans afghans, de retour au pouvoir à Kaboul depuis l’été 2021, qui favorisent cette résurgence du TTP.
«Nous devons sévir»
Un rapport du Conseil de sécurité des Nations unies publié plus tôt cette année estimait que le TTP «a sans doute été le groupe extrémiste étranger en Afghanistan qui a le plus profité» du retour des talibans afghans, «qui ont accueilli et activement soutenu» le mouvement. Mais Kaboul dément fermement et renvoie l’accusation à Islamabad, assurant que le Pakistan soutient des groupes «terroristes», notamment la branche régionale de l’Etat islamique (EI).
Jeudi, le ministre pakistanais de la Défense, Khawaja Muhammad Asif, a déclaré au Parlement que les multiples tentatives pour convaincre les talibans afghans de cesser de soutenir le TTP avaient échoué. «Nous ne tolérerons plus cela. Unis, nous devons sévir contre ceux qui les aident, que leurs cachettes se trouvent sur notre sol ou bien sur le sol afghan», a-t-il martelé.
L’année 2024 a été la plus meurtrière pour le Pakistan en près d’une décennie, avec plus de 1 600 morts dans ces violences, principalement des soldats.
Mise à jour à 13 h 12 avec le bilan du Pakistan.