Certains universitaires disaient de lui qu’il avait des airs «exotiques». Avec une barbe épaisse, des cheveux blonds et une arête nasale haute. En réalité, l’empereur chinois Wu possédait «une apparence typique de l’Asie de l’Est ou du Nord-Est». Ce sont les conclusions d’une équipe d’archéologues chinois de l’université de Fudan, parues dans la revue Current Biology la semaine dernière. A partir de l’ADN du personnage ayant gouverné la Chine il y a 1 500 ans, les chercheurs sont parvenus à reconstruire son visage. Et à remettre en question quelques hypothèses concernant les causes de sa mort prématurée.
In a first, China reconstructed the likeness of an ancient emperor from 1,500 years ago with archaeological science using 1 million gene loci on the bones of Emperor Wu (Yuwen Yong) of the Northern Zhou Dynasty (557–581), an #archaeology team announced on Thursday. pic.twitter.com/RN4Z4w84cB
— China Science (@ChinaScience) March 29, 2024
Des yeux bruns, des cheveux noirs et une couleur de peau plutôt foncée. Pour parvenir à ce résultat, les spécialistes ont travaillé à partir de ce qu’il reste des ossements du dirigeant. Retrouvés en 1996 dans le nord-ouest de la Chine, ces derniers comprenaient un crâne presque entier. Utile pour reconstituer la structure du visage, mais pas suffisant pour identifier certaines caractéristiques physiques. Pour connaître la couleur des yeux ou celle des cheveux, il a fallu mener une analyse approfondie de l’ADN recueilli sur différents os restants.
A la tête de la Chine de 560 à 580 dans le cadre de la dynastie des Zhou du Nord, l’empereur Wu est une figure historique importante du pays. Qui, au VIe siècle, connaît une période pour le moins agitée. Ce dernier est en effet divisé entre différentes dynasties : les Wei, Qi et Zhou contrôlent le Nord, les Liang et les Chen le Sud. Toutes sont régulièrement visées par des attaques de groupes nomades comme les Xianbei, les Xiongu et les Turcs. Dans ce contexte chaotique, historiens, anthropologues et archéologues s’accordent pour donner à Wu un rôle central dans l’unification de la partie septentrionale du territoire. Mais, jusqu’à présent, un mystère demeure : les causes de sa mort, survenue à l’âge de 36 ans.
Jusqu’ici, seuls les textes historiques donnaient des pistes d’explication, évoquant soit une maladie inconnue, soit un empoisonnement. Dans leur étude, les chercheurs de l’université de Fudan avancent désormais l’hypothèse de l’accident vasculaire cérébral. L’analyse de l’ADN a en effet permis de mettre en lumière une sensibilité accrue de l’empereur à certaines maladies comme la goutte, la leucémie et les AVC. Une dernière possibilité qui pourrait coller avec une liste de symptômes que présentait l’empereur avant sa mort. Le Livre des Zhou, déroulant une histoire officielle de la dynastie, révèle que le dirigeant avait ainsi des paupières tombantes, souffrait d’une cécité et d’une démarche anormale.
Un mélange de Xianbei et de Han dans les gènes
Outre son apparence et les causes possibles de sa mort, l’ADN de Wu éclaire un autre point : son ascendance. L’étude confirme d’abord que l’empereur appartient bien à 60 % au groupe ethnique des Xianbei, des nomades vivant dans le nord de la Chine et ce qui constitue aujourd’hui la Mongolie. Toutefois, elle précise également que le reste de ses informations génétiques ressemble à celles des communautés de fermiers vivant le long de la rivière Jaune. Autrement dit : Wu avait des ancêtres appartenant à l’ethnie des chinois Han, désormais la plus importante du pays.
Dans leur rapport, les chercheurs soulignent ainsi que «cela peut probablement être attribué à des mariages continus entre les familles royales Xianbei et les aristocrates Han locaux». Shaoqing Wen, doctorant à l’université Fudan et coauteur de l’article, précise de son côté : «Il s’agit d’une information importante pour comprendre comment les peuples anciens se sont répandus en Eurasie et comment ils se sont intégrés à la population locale.»
Pour le scientifique, aucun doute : la technique déployée pour étudier l’ADN de Wu pourrait à l’avenir permettre de résoudre «des cas plus importants, plus médiatisés et plus difficiles». Aussi, l’équipe prévoit d’analyser davantage d’échantillons, provenant de différentes périodes et cultures. L’objectif : «Construire un arbre généalogique de tous les peuples d’Asie de l’Est, établir des liens entre les populations modernes et anciennes et écrire la généalogie de la nation chinoise.»