Reena passe la marche arrière dans un crissement de boîtier. «Recule encore, stop !» lance sa monitrice de conduite à ses côtés, d’un ton ferme. Première vitesse. Reena dégage la petite voiture bleue cabossée de la place de parking, nichée en demi-pente derrière un arbre, pour s’engager dans la circulation chaotique du nord de New Delhi. Les klaxons fusent de toutes parts, recouvrent les voix pendant de longues secondes, les motos arrivent rapidement en contresens pour croiser des vaches qui traversent lentement. La jeune Reena demeure tranquille, les yeux souriants au-dessus de son masque. «Dans ces embouteillages, les gens s’énervent et me crient dessus, ils me disent d’apprendre à conduire et essaient de passer par tous les moyens. C’est fou…» s’amuse-t-elle. Cette apprentie de 34 ans aux cheveux courts ne se décourage pas, car elle est ici pour apprendre un métier : celui de chauffeuse de taxi.
Depuis 2008, l’association Azad («liberté» en hindi) recrute des femmes de milieux populaires comme elle pour leur enseigner ce métier pratiqué en Inde presque uniquement par des hommes. Une formation qui prend des airs de transformation dans ce pays très patriarcal. «Avant de commencer ici, je n’avais conduit aucun véhicule, pas même un vélo, raconte Sangeeta, 37 ans, qui vient de terminer son apprentissage. Je n’étais quasiment pas sortie de mon quartier et je n’étais pas à l’aise pour traverser la rue toute seule. Mais maintenant que je conduis, j’