La crise entre Pékin et Manille se poursuit. Les Philippines ont accusé ce samedi les gardes-côtes chinois d’avoir tiré à plusieurs reprises avec des canons à eau pour «entraver» trois bateaux du gouvernement près du récif de Scarborough Shoal contrôlé par Pékin en mer de Chine méridionale. L’Unité opérationnelle nationale pour les Philippines occidentales a ajouté dans un communiqué que «les navires des gardes-côtes chinois [auraient] utilisé des canons à eau pour entraver des bateaux» du gouvernement philippin qui approvisionnaient des bateaux de pêche. L’Unité multi-agences philippine a déclaré «condamner avec véhémence les actions illégales et agressives conduites par les gardes-côtes chinois et les milices maritimes chinoises».
Dans une vidéo diffusée par les gardes-côtes philippins, des navires de leurs homologues chinois apparaissent tirant avec des canons à eau sur les navires du Bureau philippin des pêches et des ressources aquatiques (BFAR). Les équipements de communication et de navigation d’un bateau philippin ont subi des «dommages importants», selon le communiqué de l’Unité opérationnelle philippine. Des membres d’équipage ont également subi un «inconfort temporaire sévère et une incapacité» après que les navires chinois ont utilisé ce qui semblait être un «dispositif acoustique à longue portée», selon le communiqué.
Condamnation de Washington et Tokyo
La mission des navires philippins consistant à apporter du carburant et de la nourriture à plus de 30 bateaux près du récif était «en cours», a précisé l’Unité opérationnelle, accusant les gardes-côtes chinois d’avoir déployé des bateaux pneumatiques pour «chasser» les pêcheurs. «Empêcher la distribution d’aide humanitaire est non seulement illégal mais aussi inhumain», a-t-elle dénoncé. La surveillance aérienne du BFAR a également montré une barrière flottante réinstallée à l’entrée du récif et gardée par des bateaux chinois, ont indiqué les gardes-côtes philippins.
Ce n’est pas la version de Pékin. Selon CCTV, la télévision d’Etat chinoise, les gardes-côtes du pays ont eu recours à des «mesures de contrôle conformes à la loi» contre les navires philippins qui s’étaient «introduits» dans les eaux autour du récif. L’ambassadrice américaine à Manille, MaryKay Carlson, a de son côté condamné les «actions agressives et illégales» de la Chine envers les navires philippins, tandis que l’envoyé spécial du Japon Kazuhiko Koshikawa a exprimé sa vive inquiétude «à propos des actions dangereuses» des gardes-côtes chinois.
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La Chine a pris le contrôle de Scarborough Shoal aux Philippines en 2012. Elle a déployé depuis des patrouilleurs qui, selon Manille, harcèlent les navires philippins et empêchent les pêcheurs philippins d’atteindre le lagon où le poisson est plus abondant. Le récif se trouve à 240 km à l’ouest de l’île principale des Philippines, Luçon, et à près de 900 km de la province du Hainan, terre chinoise la plus proche. En vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, que la Chine a contribué à négocier, les pays ont juridiction sur les ressources naturelles situées dans un rayon d’environ 200 milles marins (370 kilomètres) de leurs côtes.
Début décembre, les Philippines avaient affirmé qu’une «nuée» de plus de 135 bateaux chinois s’était déployés à proximité du récif Julian Felipe, à environ 320 kilomètres à l’ouest de l’île de Palawan, que Manille revendique. «Aucune réponse n’a été apportée aux appels radio lancés par les gardes-côtes philippins» aux navires chinois, ont-ils ajouté. Des images diffusées par Manille montraient des navires alignés en formation, tandis que d’autres étaient dispersés dans les eaux. Et fin octobre, Manille avait accusé Pékin d’avoir percuté intentionnellement des bateaux philippins.
Les deux pays entretiennent une longue histoire de différends maritimes en mer de Chine méridionale par laquelle transitent chaque année des milliards de dollars de marchandises. Pékin revendique la quasi-totalité de cette mer, y compris des eaux et des îles proches des côtes de ses voisins, et a ignoré la décision d’un tribunal international en 2016 selon laquelle cette affirmation est sans fondement juridique. Les Philippines, Brunei, la Malaisie, Taïwan et le Vietnam revendiquent également plusieurs récifs et îlots dans cette mer, dont certaines zones pourraient receler de riches réserves de pétrole.