Menu
Libération
Escarmouches

En mer de Chine méridionale, Pékin provoque un nouvel incident naval avec Manille

Les Philippines ont convoqué l’ambassadeur de Chine après deux démonstrations de force des milices navales chinoises contre des bateaux philippins ce week-end.
Les gardes-côtes chinois utilisent un canon à eau contre un navire philippin, ce dimanche, en mer de Chine méridionale. (Philippine Coast Gard /Reuters)
publié le 10 décembre 2023 à 9h05
(mis à jour le 11 décembre 2023 à 10h25)

Les Philippines ont annoncé lundi avoir convoqué l’ambassadeur chinois et évoqué la possibilité de l’expulser après deux importantes démonstrations de force de Pékin en mer de Chine méridionale ce week-end. Samedi, près de l’atoll de Scarborough Shoal, les gardes-côtes chinois ont tiré avec de puissants canons à eau pour bloquer des bateaux du gouvernement philippin chargés d’approvisionner des bateaux de pêche. Ce dimanche 10 décembre, dans l’archipel des Spratleys, les grands navires des garde-côtes et des milices maritimes chinoises ont tenté de nouveau d’empêcher des petits bateaux sous contrat avec l’armée philippine d’aller ravitailler les soldats d’un détachement de la marine philippine, alors jusqu’à générer une collision.

Les autorités philippines affirment que «des navires de gardes-côtes chinois et de la milice maritime chinoise ont harcelé, bloqué des navires de ravitaillement civils philippins et exécuté des manœuvres dangereuses», et que l’un des deux bateaux transportant du ravitaillement a été «percuté» par un navire des gardes-côtes chinois. Un navire chinois aurait également tiré au canon à eau sur les deux bateaux de ravitaillement et un navire des gardes-côtes philippins qui escortaient la mission. Selon Manille, ce nouvel incident a causé de «graves dommages» au moteur de l’un des bateaux de ravitaillement et endommagé le mât du navire des gardes-côtes. Comme à chaque fois, Pékin accuse, contre toute évidence, le petit bateau philippin d’être «délibérément entré en collision» avec un des leurs.

Depuis une dizaine d’années, Pékin a déclaré unilatéralement sa souveraineté sur près de 90 % de cette mer semi-fermée, plus grande que la Méditerranée, en arguant de droits historiques non reconnus par la législation internationale et contestés par les pays voisins, comme les Philippines, le Vietnam, la Malaisie, l’Indonésie ou Brunei. Pour empêcher la liberté de circulation dans cet espace stratégique, où transite un tiers du commerce maritime mondial, Pékin déploie une stratégie hybride d’occupation de la zone avec une armada de navires de pêche chinois et de gardes-côtes équipés de matériel militaire, comme des radars et des lasers, puissante milice chargée de harceler les pêcheurs et les navires des pays riverains, bien moins équipés.

« Nuée de 135 bateaux chinois »

L’archipel des Spratleys, vaste comme l’Angleterre et par lequel transitent les deux grandes routes qui permettent aux sous-marins de gagner l’océan Pacifique, est le théâtre d’incidents répétés, notamment autour du banc de sable Second Thomas qui, selon la convention de Montego Bay de 1982 et la décision de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye de juillet 2016, ces eaux sont situées dans la zone économique exclusive des Philippines.

Manille entretient sur cet îlot un équipage d’infanterie de marine en avant-poste, mais depuis presque dix ans, la Chine tente régulièrement d’empêcher le ravitaillement des soldats, menaçant leur survie. En avril, un immense navire des gardes-côtes chinois avait ainsi failli éperonner un petit patrouilleur philippin, et depuis le mois d’août, les navires chinois tirent au canon à eau sur les bateaux transportant la nourriture des soldats philippins ou sur leur escorte, créant de multiples collisions extrêmement dangereuses dans cette zone située en haute mer, ce qui avait déjà donné lieu à une convocation de l’ambassadeur de Chine à Manille. L’un des bateaux destinés au ravitaillement a pu livrer sa cargaison ce dimanche, mais celui qui a été impliqué dans la collision a dû être remorqué par un navire des gardes-côtes philippins vers Palawan, a indiqué l’Unité opérationnelle nationale philippine.

Quelques heures avant l’incident de ce dimanche, un convoi civil de 100 pêcheurs philippins a par ailleurs entrepris un voyage qui devait le faire passer par Second Thomas dans le cadre d’une mission visant à ravitailler pour Noël des avant-postes éloignés. Les organisateurs ont déclaré qu’ils «poursuivaient le parcours convenu» malgré cette dernière confrontation. Début décembre, près des îles Spratleys, les Philippines avaient affirmé qu’une «nuée» de plus de 135 bateaux chinois s’était déployée à proximité du récif Julian Felipe, à environ 320 kilomètres à l’ouest de l’île de Palawan, que Manille revendique. «Aucune réponse n’avait été apportée aux appels radio lancés par les gardes-côtes philippins» aux navires chinois, ont-ils ajouté. Des images diffusées par Manille montraient des navires alignés en formation, tandis que d’autres étaient dispersés dans les eaux. Dimanche, le Département d’Etat américain a appelé la Chine à « renoncer à sa conduite dangereuse et déstabilisatrice » en mer.

Mise à jour lundi à 10h25 : avec du contexte et des précisions.