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Contestation

Manifestation massive, haka d’une députée… En Nouvelle-Zélande, les droits des Maoris au cœur d’une bataille politique

Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé ce mardi dans la capitale Wellington, contre un projet de révision du traité fondateur du pays. Il y a quelques jours, une députée maorie avait lancé un haka pour dénoncer la politique «raciste» du gouvernement conservateur.
Un manifestant dans une tenue maorie ce mardi 19 novembre à Wellington, en Nouvelle-Zélande. (Lucy Craymer/REUTERS)
publié le 19 novembre 2024 à 11h36

Des hommes aux visages tatoués, drapés dans des manteaux de plumes traditionnels ou maniant des armes de cérémonie en bois. A leurs côtés, des cavaliers brandissant le drapeau maori rouge, blanc et noir. Un impressionnant cortège a défilé dans les rues de Wellington, la capitale de la Nouvelle-Zélande, ce mardi 19 novembre, contre une modification du texte fondateur du pays et défendre les droits des Maoris. Selon la police, 35 000 manifestants étaient rassemblés, dont beaucoup avaient démarré leur marche de protestation - un «hikoi», dans la langue de ce peuple aborigène - il y a neuf jours, au nord de l’île à des centaines de kilomètres de là.

Une révision critiquée d’un texte historique

Tous les manifestants se sont dirigés vers le Parlement de cette île de 5,2 millions d’habitants, où le texte controversé doit être débattu. Il prévoit de réviser le traité de Waitangi, signé en 1840 entre les Maoris et les colons européens. Il y a 184 ans, grâce à cet accord de paix, les populations indigènes se sont vues promettre des droits pour conserver leurs terres et protéger leurs intérêts. En échange, ils ont dû céder la souveraineté aux Britanniques. Mais ce texte fondamental existe en deux versions : une anglaise et une Maorie. Ces documents présentent des différences fondamentales qui engendrent plusieurs interprétations du traité, notamment aux yeux de la justice néo-zélandaise.

Le ministre de la Règlementation, David Seymour, considère néanmoins que ces différences ont déformé l’intention initiale du traité. Celui qui est aussi le patron d’ACT New Zealand, parti minoritaire de la coalition au pouvoir, estime que les Maoris bénéficient de droits et de privilèges par rapport aux non-Maoris. D’où la proposition de l’homme politique - lui-même d’origine maorie - d’un texte qui permettrait que «tous soient égaux devant la loi» et aient «droit à l’égale protection et au même bénéfice de la loi», rapporte le New Zeland Herald.

Le texte n’étant pas soutenu par les autres formations de la coalition du Premier ministre conservateur Christopher Luxon, il n’a presque aucune chance d’être adopté. Reste que l’initiative a déclenché les plus grandes manifestations du pays depuis des décennies.

Les détracteurs du projet, parmi lesquels certains des plus éminents juristes du pays, y voient une tentative de priver les 900 000 membres de la minorité maorie de leurs droits acquis de longue date, ainsi qu’une volonté d’envenimer les relations interethniques.

Pour l’ancienne Première ministre conservatrice, Jenny Shipley, le seul fait d’avoir formulé une telle proposition menace de «diviser la Nouvelle-Zélande d’une façon» qu’elle n’a «jamais vue de [sa] vie d’adulte». L’un des principaux conseillers de la reine maorie s’est lui aussi prononcé, déclarant qu’ils n’accepteraient pas «de modification unilatérale d’un traité qui engage deux parties.»

Haka au Parlement

La loi devait être débattue jeudi 14 novembre au Parlement, mais la séance a été interrompue lorsque Hana-Rawhiti Maipi-Clarke, une députée du parti maori âgée de 22 ans, s’est levée et a déchiré le texte en deux. En signe de contestation, elle a lancé un «haka», la célèbre danse chantée traditionnelle notamment utilisée par les rugbymans des All Blacks pour impressionner leurs adversaires.

D’autres membres de son parti se sont immédiatement joints à elle. Le président du Parlement, Gerry Brownlee, membre de la majorité dirigée par la coalition de droite, a fait évacuer les spectateurs de la tribune publique, et a brièvement interrompu les débats. Il a aussi condamné l’interruption qu’il a estimée «grossièrement désordonnée». Le haka d’Hana-Rawhiti Maipi-Clarke, par lequel elle entendait notamment dénoncer la politique «raciste» du gouvernement de droite de Christopher Luxon a été vu environ 700 millions de fois sur internet, rapporte le NZ Herald.