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Santé

Pakistan : deux policiers tués alors qu’ils protégeaient la campagne antipolio

Le pays, un des seuls au monde où la poliomyélite est endémique, peine à vacciner les enfants. La population, très méfiante, utilise ces campagnes comme monnaie d’échange pour exiger plus de services publics.
Un travailleur de la santé administrant le vaccin de la polio à des écoliers à Lahore, le 21 avril. (Arif Ali /AFP)
publié le 23 avril 2025 à 12h06

L’opposition à la vaccination tue. Deux policiers qui protégeaient des vaccinateurs ont été tués ce mercredi 23 avril au Balouchistan, selon des responsables de l’administration locale, la deuxième attaque meurtrière depuis le lancement lundi d’une nouvelle campagne antipolio au Pakistan. Le pays, qui a enregistré un pic d’infections en 2024 - 73 cas, contre six l’année précédente - est le seul pays au monde avec l’Afghanistan où la poliomyélite est endémique.

«Des hommes à moto ont tiré sur les policiers, l’un est mort sur le coup tandis que le second a succombé à ses blessures à l’hôpital», a déclaré Manan Tareen, membre de l’administration locale. «L’équipe de soignants s’en est sortie indemne car elle se trouvait à l’intérieur d’une maison pour vacciner», a-t-il ajouté. Le porte-parole du gouvernement provincial Shahid Rind a confirmé le bilan de deux morts.

Lundi, un policier qui protégeait des vaccinateurs antipolios avait déjà été tué dans la province voisine du Khyber-Pakhtunkhwa, également frontalière de l’Afghanistan. Dans le pays, le cinquième le plus peuplé au monde avec 240 millions d’habitants, les centaines de milliers de vaccinateurs, et plus encore les policiers qui les protègent, sont régulièrement ciblés par des attaques.

Dimanche, pour inaugurer la campagne 2025, le Premier ministre Shehbaz Sharif reconnaissait un «revers majeur» et un «défi important». «Nous devons éradiquer la polio à tout prix», a-t-il martelé malgré tout. Lundi, après l’attaque, son bureau a publié un nouveau communiqué. «La campagne antipolio se poursuivra avec la même force de frappe.»

Fausse campagne de vaccination

La campagne antipolio génère une méfiance encore tenace, alimentée par l’organisation il y a des années d’une fausse campagne de vaccination par la CIA pour localiser le cerveau des attentats du 11 septembre 2001, Oussama ben Laden, tué en 2011 dans le nord du Pakistan.

Elle sert aussi parfois de monnaie d’échange pour habitants et responsables locaux, rapportent experts et professionnels de la santé publique, face à un Etat qui peine à assurer les services publics - réclamant des routes ou des accès à l’eau pour laisser les vaccinateurs approcher de leurs enfants.

Cette défiance est également alimentée par des religieux ultra-conservateurs, qui font régulièrement courir la rumeur que les vaccins rendraient infertiles, ou contiendraient porc ou alcool, interdits par l’islam.

Malgré tout, cette année, Islamabad, avec l’aide de bailleurs internationaux, espère vacciner 45 millions d’enfants de moins de cinq ans contre la poliomyélite, cette maladie infectieuse transmise par le poliovirus qui peut entraîner la paralysie. Pour immuniser une zone infectée, il faut que 90 % des enfants y soient vaccinés, selon l’Organisation mondiale de la santé.

Ces dernières années, malgré une résurgence en 2019 et 2020, le Pakistan a cru en avoir presque fini avec la maladie après des pics de 20 000 cas annuels dans les années 1990.