Les trois hommes sont assis, alignés sur un banc, devant le temple de Shiva de la ville de Jaleshwor. Le climat est chaud dans ces plaines méridionales du Népal, que n’atteignent pas les vents frigorifiques de Katmandou et de la chaîne de l’Himalaya, plus au nord. C’est ici, dans cette province du Madhesh, qu’Arjun, Suraj et Balal ont grandi, étudié, chahuté en sortant de l’école. C’est ici qu’ils ont leurs racines.
Ces trois Népalais de 20, 22 et 32 ans sont nés sur ces terres de l’extrême sud du pays, mais ils y vivent aujourd’hui comme des immigrés clandestins. «Je ne peux pas ouvrir de ligne téléphonique ou de compte en banque à mon nom, hériter des terres de mes parents, avoir un permis de conduire ou un travail légal», énumère, désespéré et le regard sombre, Suraj Chaudhary, celui du milieu. L’administration refuse de lui fournir un certificat de citoyenneté, document indispensable pour se voir octroyer la nationalité népalaise. Comme ses amis d’infortune, Suraj est apatride dans son propre pays. «Ma mère est népalaise, mais mon père est indien, donc les autorités ont refusé de me reconnaître comme népalais.»
Le Népal a une conception patriarcale de la transmission de la nationalité népalaise : selon la Constitution de 2015, toute personne née de père népalais obtient la nationalité automatiquement par le droit du sang, alors que si la mère est népalaise et le père étranger, l’enfant ne peut prétendre qu’à une «naturalisation», souvent compliq