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Libération
Coup bas

Philippines: Duterte profite de son dernier jour de présidence pour fermer le site d’infos de la prix Nobel de la paix

Rappler lutte pour sa survie depuis que le gouvernement de Rodrigo Duterte l’accuse d’évasion fiscale. Victime de la vindicte que clan Duterte, la cofondatrice de la plateforme numérique parle de «mise à mort».
Maria Ressa, prix Nobel de la paix, est la co-fondatrice de la plateforme numérique Rappler. (Fabrice Coffrini/AFP)
publié le 29 juin 2022 à 7h59

Une ultime (ré) pression. Le site d’information philippin Rappler, co-fondé par Maria Ressa, prix Nobel de la paix, a reçu l’ordre de fermer à la veille de la fin de la présidence de Rodrigo Duterte, énième signe de l’opération de répression et d’intimidation à l’encontre de toute forme d’opposition et d’indépendance critique. Mais «nous continuons à travailler, c’est comme d’habitude», a assuré la journaliste à la presse.

Maria Ressa est une critique virulente de M. Duterte et de sa meurtrière «guerre anti-drogue», et sa plateforme numérique fait l’objet de poursuites judiciaires et de nombreuses menaces en ligne.

Rappler lutte pour sa survie depuis que le gouvernement Duterte l’accuse d’évasion fiscale et d’enfreindre la réglementation en matière de propriété étrangère afin d’obtenir des financements. Le site a également été accusé de violer une loi adoptée en 2012, année de la création de Rappler, en matière de cybercriminalité.

La commission philippine des valeurs mobilières a confirmé dans un communiqué «la révocation des certificats qui ont permis la création» de Rappler. Cette mesure se fonde sur le fait que ce média a violé «les restrictions constitutionnelles et statutaires en matière de propriété étrangère au sein des médias». Cette décision «confirme la fermeture» de la plateforme numérique, selon Rappler qui entend faire appel de cette procédure «très irrégulière».

«Mise à mort»

«Nous avons discuté de tous les scénarios possibles avec (le personnel) de Rappler depuis que cette commission a émis son premier arrêté en 2018, a déclaré à la presse Glenda Gloria, rédactrice en chef et cofondatrice du site, aux journalistes. Rien ne prépare suffisamment un organisme à une telle mise à mort».

Par le passé, M. Duterte a qualifié Rappler de «média colporteur de fausses informations», à propos d’un article sur l’un de ses plus proches collaborateurs. Le portail d’information est accusé d’avoir permis à des étrangers de prendre le contrôle de son site web en émettant des «certificats de dépôt» via sa société mère Rappler Holdings.

Selon la Constitution, les investissements dans les médias sont réservés aux Philippins ou aux entités contrôlées par des Philippins. En 2015, le site avait émis des obligations pour lever des fonds, qui avaient été souscrites entre autres par une société américaine, Omidyar Network, créée par le fondateur d’eBay Pierre Omidyar.

Mme Ressa, qui possède également la citoyenneté américaine, et le journaliste russe Dmitri Mouratov ont reçu en octobre le prix Nobel de la paix pour leurs efforts visant à «sauvegarder la liberté d’expression».