Des dizaines de milliers de morts. La procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré ce lundi avoir demandé l’ouverture d’une enquête sur les assassinats ordonnés entre 2016 et 2019 par le président philippin Rodrigo Duterte dans sa guerre contre la drogue. La CPI avait lancé un examen préliminaire sur ces crimes en février 2018. La procureure, Fatou Bensouda, avait alors déclaré : «Des milliers de personnes auraient été tuées car elles auraient illégalement consommé des drogues ou se seraient livrées au trafic de stupéfiants. Tandis que certains de ces meurtres seraient survenus dans le contexte d’affrontements entre gangs ou au sein de ceux-ci, nombre des faits rapportés concerneraient des meurtres extrajudiciaires perpétrés au cours d’opérations policières de lutte contre la drogue.»
Accusations de crimes contre l’humanité
Au terme de l’examen préliminaire, la procureure a demandé lundi aux juges de la CPI l’autorisation d’ouvrir une enquête. Les juges de la Cour pourraient alors investiguer sur les accusations selon lesquelles «des fonctionnaires de la police nationale philippine, et d’autres personnes agissant de concert avec eux, auraient illégalement tué plusieurs milliers, voire des dizaines de milliers de civils», a précisé Fatou Bensouda dans un communiqué.
L’examen préliminaire sur les violences de l’Etat philippin avait conduit le président Duterte à se retirer de la CPI en 2019. Malgré ce retrait, qui a pris effet le 17 mars 2019, la Cour continue d’exercer sa compétence sur les crimes qui auraient été commis sur le territoire des Philippines jusqu’à cette date. Dès 2018, deux plaintes devant la CPI accusaient Duterte de crimes contre l’humanité.
Plus de 20 000 morts
Rodrigo Duterte, élu en 2016 à la tête de ce pays de 110 millions d’habitants, s’est fait connaître pour ses opérations policières antidrogue de grande ampleur et ses saillies vulgaires et violentes. «Je crois au châtiment. […] Quand on tue quelqu’un, quand on viole, on doit mourir», avait-il déclaré peu après son élection. Dès son arrivée à la présidence, il a lancé des commandos surarmés contre le trafic de drogue. En deux ans de raids de polices, plus de 20 000 personnes auraient péri. Selon plusieurs analystes, les victimes appartiennent surtout au bas de l’échelle sociale et sont souvent des petites mains du trafic de drogue.
Le meurtre, Duterte n’a que ce mot à la bouche. Pour cet avocat, le flingue est le remède à tous les problèmes. Il a ainsi appelé sa campagne antidrogue «Double Barrel» («double canon»). Une opération, qui, à elle seule, aurait fait plus de 7 000 morts. En plein confinement en avril 2020, il avait déclaré à la télévision, s’adressant à la police et à l’armée, qu’il fallait «tuer par balles» les personnes qui ne respectent pas le couvre-feu.