Sur le boulevard de Silom, près du temple hindou Maha Mariamman, à Bangkok, des badauds concentrés fixent des liasses de bouts de papier imprimés, disposés sur les deux faces intérieures d’une mallette à demi ouverte, posée sur une chaise en plastique. Des tickets de loterie. L’endroit, considéré comme auspicieux, est toujours animé, mais depuis une dizaine de jours y règne une certaine fièvre à l’approche de la date du 22/02/2022. Précisons tout de même que, dans le calendrier thaï bouddhiste, nous sommes en 2564, ce qui rend l’affaire moins spectaculaire, mais les Thaïlandais, qui sont habitués à fonctionner avec les deux systèmes, sont suffisamment flexibles pour saisir au vol une date magique quand elle se présente.

Si tout le monde est d’accord pour dire que la date est «spéciale», chacun l’interprète à sa manière. «Certains clients attendent le 22 pour acheter leur ticket en vue du tirage de la fin du mois, raconte une vendeuse. D’autres voulaient jouer le tirage le plus proche de la date magique, c’était le 17, donc les ventes ont commencé à augmenter il y a deux semaines déjà.» Certains jouent le chiffre 2, mais la plupart préfèrent effectuer de savantes additions-soustractions avec leurs propres chiffres fétiches pour tenter de s’approprier le hasard. «La numérologie dans les pays bouddhistes, c’est l’idée que le cosmos vous parle et vous donne des signes à travers les chiffres, explique Edoardo Siani, anthropologue à l’université de Venis